Sophie Carenco travaille dans le domaine des nanomatériaux et de la nanochimie. Au sein de l’équipe Nano du Laboratoire de Chimie de la Matière Condensée de Paris, elle conçoit des voies de synthèse pour la fabrication de nanoparticules contenant un ou plusieurs métaux ainsi que des éléments légers. Elle s’intéresse particulièrement aux phases contenant des métaux réduits et présentant un caractère covalent ou iono-covalent (phosphures, carbures, oxysulfures). Son projet de long terme est de comprendre les restructurations de cœur et de surface des nanoparticules exposées à des stimuli extérieurs, tels qu’un changement d’environnement (chauffage, atmosphère…) ou une réaction chimique (réactivité). Pour cela, elle emploie diverses spectroscopies en synchrotron et contribue au développement de cellules environnementales gaz ou liquides en lien avec les scientifiques de ligne. Cette approche permet d’aborder la question de la stabilisation de surface des nanoparticules dans leurs conditions d’usage (notamment, via l’emploi de ligands organiques). C’est ainsi l’objet « nanoparticule » dans toutes ses dimensions qui est conçu, analysé, et utilisé dans les applications, tant du côté du cœur inorganique que de la surface, dans des processus dynamiques.

Les travaux récents de son équipe portent sur plusieurs axes. Une nouvelle voie de fabrication à l’état solide de nano-carbures supportés sur carbone est développée depuis 2015 : une réduction exothermique par le potassium graphite a permis la fabrication de TiC, Mo2C, VC et W2C. Désormais, l’exploration se tourne vers d’autres carbures tels que NbC mais aussi vers les phosphocarbures. Les paramètres de process (phase gaz, taille des grains de précurseurs, etc.) influencent la spéciation de phases des poudres préparées en voie « tout solide ». En particulier, il est possible de contrôler la proportion de carbures vs. de phase métallique dans le matériau pour des métaux de transition (Mo, W, V, etc.), et ainsi, d’obtenir certaines phases de nano-hydrures après lavage à l’éthanol.

Dans le domaine des phosphures de métaux, l’enjeu est d’une part, d’obtenir un bon contrôle de phase pour les métaux tels que le fer et le nickel qui présentent un diagramme de phase complexe, d’autre part, de former des phosphures bimétalliques. Pour cela, les recherches s’orientent vers l’utilisation de précurseurs phosphorés originaux tel que les cyclophosphanes qui ont permis la préparation sélective de FeP et Fe2P cristallins et amorphes, actifs pour la réaction d’évolution de l’hydrogène. La formation de phosphures bimétalliques est explorée en partant de nanoalliages, par réaction sélective de la source phosphorée avec l’un ou l’autre des métaux. Cela a été mis en évidence en 2019 pour le système cuivre-nickel, avec une préférence du phosphore pour le nickel. Cet axe s’appuie fortement sur une recherche de méthodologies reproductibles et stœchiométriques pour la fabrication en solution colloïdale d’alliages et cœur-coquilles bimétalliques (ex. NiCo et CuNi).

Enfin, les oxysulfures sont des phases historiques de la recherche en chimie du solide, notamment en France (travaux de Jean Flahaut et d’autres). Mais les travaux sur les nanoparticules d’oxysulfures en sont à leurs balbutiements. Ici, l’effort s’est porté d’abord sur les phases de composition Ln2O2S (Ln : lanthanide) pour lesquelles une voie de synthèse colloïdale a été développée avec une étude détaillée du mécanisme de nucléation-croissance. Ceci a permis de former une gamme inédite de nanoplaquettes bicationiques (Gd-Ce, Gd-Pr, Ce-Pr, Gd-Eu…), mais aussi d’isoler les premières nanoparticules de Ce2O2S. Les propriétés magnétiques et électroniques des nanoparticules ont été explorées et ont démontré une forte influence de l’épaisseur des nanoparticules (seulement 3 mailles cristallines d’épaisseur). Par exemple, le bandgap des nanoparticules est direct, alors que celui des phases macroscopiques est indirect. Les recherches s’orientent désormais vers les oxysulfures contenant des métaux de transition. De plus, le rôle du cerium dans la formation d’espèces réactives de l’oxygène a été étudié en collaboration avec l’INSERM-Institut Mondor, et permet de mieux anticiper l’interaction des nano-oxysulfures avec les milieux biologiques, notamment à leur interface.