Synthèse organique : quel avenir ?
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Voilà l’exemple parfait de question piège…
En apparence, il est facile d’y répondre~: tous les spécialistes de tout domaine pensent à ses lendemains, à quelques moyens pour le faire évoluer dans ses aspects fondamentaux aussi bien que dans ses applications. Leurs réflexions alimentent les repas et les soirées de congrès et colloques aussi bien que les rencontres avec les «décideurs» (ou celles entre «décideurs» eux-mêmes en l’absence de tout spécialiste…)~; elles remplissent aussi les nombreux projets de recherche qu’il faut à longueur de temps produire aux organismes de tutelle, responsables d’actions prioritaires etc.
Mais écrire un article de quelques pages décrivant la vision du futur est un autre exercice dans lequel bien peu acceptent de se risquer. Le manque de temps, bien sûr, est une cause importante, mais la raison principale paraît résider dans une sorte de «pudeur»~: faire des prévisions sur l’avenir, c’est dévoiler un peu de ses pensées personnelles avec la crainte inévitable d’être banal, peu ambitieux et déjà un peu dépassé. Et puis, politiquement, peut-il être tentant, en France notamment, de parler du devenir de la synthèse organique quand on voit fondre les moyens et disparaître les fleurons de la recherche industrielle dans ce domaine. Il y a chez les plus anciens du regret et des craintes qu’ils ne souhaitent pas exprimer de peur, ce qu’il ne faut surtout pas faire, de décourager les plus jeunes.
Cette partie sera donc limitée, en tous les cas plus limitée que ce que nous avions souhaité dans notre insondable candeur. Toutes ces réserves des «Anciens» étant apparues, nous avons délibérément fait appel à un très jeune pour nous donner, avec enthousiasme, sa vision de l’évolution de notre domaine et nous dire sa confiance dans le rôle d’une synthèse créative et à l’écoute des autres. Philippe Compain est déjà un habitué de cette revue dans laquelle il a écrit deux articles remarqués alliant science et réflexion sémantique. Il fait ici le pari de la simplexité. Merci à lui d’avoir pris le risque de l’exprimer.
Comme déjà vu auparavant, la recherche de nouveaux médicaments constitue, à l’interface de la chimie et de la biologie, une des préoccupations constante du chimiste de synthèse qui a beaucoup apporté à la thérapie de nombreuses maladies, contribuant notablement à l’allongement et à la qualité de la vie. Dans ce secteur, l’engouement de certains de nos «décideurs» pour le «tout biologique» nous fait craindre des lendemains encore plus désenchanteurs. Serge Halazy, homme de terrain confirmé, nous livre sa vision des années à venir dans lesquelles les petites molécules, et donc la synthèse, continueront à jouer un rôle important. Nous lui sommes reconnaissants, non seulement de sa contribution, mais aussi de ses encouragements à poursuivre les efforts.
Mais quels efforts ?
Tout d’abord celui de toujours découvrir de nouvelles réactions, de peaufiner celles qui existent. L’outil s’en trouvera amélioré dans tous ses aspects mais, et peut-être surtout, des édifices moléculaires ou supramoléculaires inédits deviendront accessibles avec de nouvelles propriétés génératrices de collaborations promettant des idées originales et fructueuses. Mais pour cela, il faut que ces réactions soit réellement nouvelles et basées sur des concepts innovants.
Ensuite, de ne pas faire «de l’art pour l’art»~: la synthèse organique n’est pas une fin en soi et les acteurs du futur devront tout à la fois, ce que font heureusement déjà les acteurs actuels, se soucier autant d’applications que d’innovation. Pour cela, l’interface avec toutes les autres disciplines est primordial~: la synthèse peut et doit être un maillon essentiel d’actions pluridisciplinaires axées vers le «mieux être» de l’ensemble de la population.
Sur ce point, le problème de l’utilité de la synthèse totale est une préoccupation constante de notre communauté et de nos interlocuteurs. L’article de Istvan Markó, qui conclut cette partie, donne un point de vue sur les défis qui se posent en ce secteur.
Reste un dernier problème, toujours débattu et encore imparfaitement résolu~: comment, sans forfanterie mais aussi sans fausse modestie, faire passer l’idée que l’apport de la synthèse est essentiel dans le développement de nombreuses applications et faire que nos partenaires (par exemple du secteur biomédical) expriment clairement que «leur» découverte était celle d’une équipe dans laquelle le chimiste avait joué un rôle important. Notre reconnaissance, et par voie de conséquence les moyens qui seront mis à disposition, pour découvrir de nouvelles réactions, de nouvelles molécules, de nouveaux matériaux, sont au prix d’un effort de vulgarisation que notre communauté n’a encore qu’imparfaitement abordé.
La synthèse organique~: quel avenir~? Celui que sa volonté de communiquer saura lui donner.
Note : ce texte est une présentation de la rubrique Synthèse organique~: quel avenir~?.
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