Des incertitudes de type B en chimie
La lecture de l’article de C. Ducamp, I. Hallery et F. Marchal (L’Act. Chim., 2013, 374, p. 36) donne l’occasion de soulever deux problèmes : le choix des sources d’incertitudes, et l’estimation des incertitudes en chimie. En chimie analytique, les industriels utilisent quasi exclusivement des incertitudes de type A. Cette façon de faire est normalisée et ne pose pas (trop) de problèmes dans sa mise en œuvre.
Dans un contexte pédagogique, il est aussi intéressant d’initier les étudiants à la métrologie et donc de faire aussi des évaluations d’incertitudes de type B. L’exemple traité dans l’article est celui du calcul d’incertitudes lors d’un titrage. Est-ce le bon exemple ? Autant la métrologie se fait sur des instruments, autant, lors d’un titrage, le grand nombre d’opérations à prendre en considération pose de réels problèmes. Limitons-nous au cas d’une détection du volume à l’équivalence par l’utilisation d’un indicateur coloré. La première étape consiste à lister les sources d’incertitudes. Selon l’approche que l’on choisit, on peut faire varier le nombre de paramètres de deux à… pas loin de vingt. Comment choisir pertinemment ces paramètres ?
Posons-nous quelques questions :
- Est-il judicieux de tenir compte de la précision de lecture à l’équivalence si on ne tient pas compte de celle du « zéro » de la burette ?
- Doit-on tenir compte de la rétention de liquide sur les parois de la pièce de verrerie ? Si oui, comment évaluer l’incertitude associée ?
- Qu’est-ce qui est inclus comme paramètre dans le ± 0,03 mL de la pipette de 20 mL classe A ?
- Est-il judicieux de dire qu’un volume se mesure à la goutte si celle-ci perle encore sur la pointe d’écoulement ?
- Doit-on tenir compte de la sensibilité de la détection du volume à l’équivalence (tous les indicateurs colorés ne sont pas à changement de couleur nette et franche) ? Si oui, comment évaluer l’incertitude associée ?
- Soyons extrême : est-il pertinent de tenir compte de la dilatation de la verrerie (et pas des liquides ?) et pas de l’influence de l’altitude (et donc de l’accélération de la pesanteur) ou du taux d’hygrométrie ?
On peut lister ad infinitum les paramètres, enchaîner les calculs pour finir par constater que, dans le cadre de l’exemple du titrage, la principale source d’incertitude est… l’opérateur. Le deuxième point concerne l’estimation des incertitudes. Celle-ci est relativement normalisée bien que deux problèmes subsistent : celui du choix des profils de distribution (comment choisir judicieusement entre une distribution gaussiennne, triangulaire, rectangulaire ou autre ?) et celui de l’intégration des termes de répétabilité. En effet, si en type B on cherche à faire intervenir l’opérateur et que l’on souhaite ajouter un terme d’incertitude de répétabilité, comment faire pour déterminer ce terme sachant qu’un test de répétabilité est nécessairement multifactoriel ? Comment éviter de prendre en considération plusieurs fois la même source d’incertitude dans le calcul final ?
Ce sont toutes ces considérations qui ont amené justement les industriels à privilégier une approche pragmatique, celle de type A. Lorsque l’on pratique l’évaluation de type B dans un enseignement généraliste en chimie, non spécialisé en métrologie, il est très facile de se perdre dans un salmigondis de calculs à n’en plus finir. Alors pourquoi ne pas proposer des règles simples qui faciliteraient son apprentissage ?
Xavier Bataille
ENCPB, Paris
12 juillet 2012