… un outil complémentaire pour l’instant
Les différents articles de ce numéro spécial amènent certains éléments de réponse à la question soulevée dans l’éditorial « La chimie combinatoire : nouvelle discipline ou stratégie de développement ? ».
L’utilisation d’équipements capables de travailler à haut débit (robot de synthèse ou d’évaluation), qui permet en fait simplement un gain de temps, ne constitue pas en soit une nouvelle approche de la recherche. Par contre, le temps gagné peut être valorisé pour tester de très nombreuses combinaisons qui n’auraient pu être étudiées par l’approche traditionnelle faute de temps. Aussi, les outils de la chimie combinatoire sont de plus en plus employés aussi bien dans le milieu académique qu’industriel. Dans ce sens, il est possible de parler d’une stratégie de développement avec comme priorité la compétitivité.
Néanmoins, il existe une première différence importante entre l’approche traditionnelle et l’approche combinatoire. L’approche traditionnelle se place dans une logique itérative ou les conclusions de chaque expérience servent à planifier la suivante jusqu’à l’obtention du résultat visé. Le raisonnement de l’approche combinatoire est inverse : sur la base d’une définition exacte de l’objectif, un test de sélection est mis en place ; ensuite, une banque est préparée et évaluée. Par cette dernière approche, seules les molécules qui passent au travers de ce test, et qui présentent donc le profil adapté à l’objectif visé, seront resynthétisées et caractérisées. A cette première différence, il faut ajouter une approche expérimentale différente. En effet, si la base scientifique et la compétence des chercheurs dans leur domaine est indispensable pour ces deux types de recherche, il faut, dans le cas de la chimie combinatoire, ajouter un raisonnement supplémentaire qui prend en compte le nombre très important de molécules qui sont préparées et testées simultanément. S’assurer de la qualité des bibliothèques et de la pertinence du test s’effectue en effet différemment de la caractérisation et de l’évaluation d’une seule molécule. Néanmoins, ces différences ne suffisent pas pour parler réellement d’une nouvelle discipline. L’approche combinatoire pourrait donc, pour l’instant, plutôt être décrite comme un outil complémentaire pour la recherche traditionnelle. Un outil nouveau, particulièrement efficace mais qui doit encore progresser pour atteindre une large gamme d’applications.
Pourquoi pour l’instant ? En fait, l’énorme quantité de données générées par la chimie combinatoire représente une mine d’informations qui n’est, pour le moment, utilisée que d’un point de vue qualitatif (système intéressant/système non intéressant). De récentes études visent à appliquer la chimiométrie d’une part pour extraire, par des traitements informatiques, les informations cachées parmi une multitude de résultats et, d’autre part, pour planifier les protocoles de préparation des bibliothèques. Ceci pourrait entraîner très prochainement les chimistes à prévoir leurs expériences non plus uniquement sur la base de leur compétences mais en s’appuyant en plus sur l’analyse statistique des résultats précédemment obtenus par chimie combinatoire. Dans ce sens, l’association chimie combinatoire/chimiométrie pourrait être décrite comme une nouvelle discipline.
Au nom de tous les auteurs ayant participé à ce numéro spécial, je tiens à remercier chaleureusement
Anna Proust et Bernard Sillion pour nous avoir donné l’opportunité de présenter cette
approche qui concerne l’ensemble de la chimie.