Irréversibilité et mécanique quantique
Cet extrait est l’introduction d’un article écrit par Ilya PrigogineIlya Prigogine (1917-2003), physicien et chimiste belge d’origine russe, prix Nobel de chimie en 1977. en 1987, paru dans un numéro spécial du Journal de Chimie Physique lors de la retraite officielle d’Adolphe PacaultJournal de Chimie Physique, 1987, 84, p. 1275..
C’est un plaisir de contribuer à ce volume publié en l’honneur de mon collègue et ami Adolphe Pacault. Je garde un souvenir très vivace des conversations que nous avons eues à Stockholm en 1967, à l’occasion d’une conférence Nobel. Je crois que c’est à ce moment-là qu’Adolphe Pacault a opéré sa conversion à la thermodynamique non linéaire, aux horloges chimiques et aux structures de non-équilibre. À l’élucidation de tous ces mystères, le Professeur Pacault et son équipe du Centre de Recherche Paul Pascal de Bordeaux ont apporté une contribution décisive. Un autre souvenir me revient à l’esprit : une conférence de la Société Chimique de France qui se tenait à Dijon. Je me rappelle l’effet de surprise qu’obtint Pacault lorsqu’après avoir expliqué les horloges chimiques et la réaction de Belousov-ZhabotinskyLe chimiste russe Belousov découvrit en 1950 la première réaction dite «oscillante». En mélangeant cinq composés courants dans l’eau, à température ambiante, on n’atteint pas directement l’état d’équilibre~; la solution oscille entre deux états, avec une grande régularité, et ce pendant près d’une centaine de cycles, jusqu’à épuisement d’un des réactifs., il ouvrit le boîtier d’une pendule de grande époque pour en extraire un réacteur chimique qui occupait la place du mouvement à échappement que chacun s’attendait à y trouver.
Après le recul des années, je continue à penser que l’expérience de Belousov-Zhabotinsky, ou de manière plus générale la découverte expérimentale des structures de non-équilibre, constitue un des points tournants de l’histoire des sciences de ce siècle. L’impact de la découverte des réactions oscillantes égale en importance celle des particules instables ou celle du rayonnement résiduel du corps noir. Dans chaque cas les idées les mieux établies et les schémas les plus définitifs ont dû être révisés.
Que le non-équilibre conduise à un ordre supramoléculaire, à une cohérence d’un type nouveau, voilà une nouveauté dont nous sommes seulement en train d’explorer quelques conséquences. En ce qui me concerne, j’en ai surtout tiré une leçon qui est celle de la réalité du temps. Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à ces questions, l’existence d’un schéma théorique dynamique intemporel, sous-jacent à la phénoménologie du temps exprimée par le second principe, étant universellement acceptée. Les idées ont évolué de manière radicale depuis ….
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