Jean-Yves Lallemand, 58 ans, est directeur de recherche au CNRS (classe exceptionnelle) et professeur à l’École polytechnique.

Après une thèse d’État sur la synthèse d’alcaloïdes, sous la direction de Marc Julia, il effectue un stage post-doctoral aux États-Unis (J.D. Roberts, Califor-nia Institut of Technology) où il s’initie à la RMN du carbone 13 juste naissante. A côté d’études d’alcaloïdes complexes, il développe les techniques impulsionnelles et de transformation de Fourier.

En 1973, il rejoint le laboratoire de chimie de l’ENS pour y installer un service de RMN et créer une équipe indépendante orientée vers la synthèse de produits naturels. En RMN, le premier résultat important est la mise au point d’une technique permettant de dénombrer facilement et avec une bonne sensibilité le nombre de protons portés par un carbone, technique toujours utilisée. Parallèlement, il démarre les premières expériences de RMN 2D, immédiatement appliquées à l’élucidation de composés naturels complexes ou sur de très faibles quantités. Comme cela s’est produit plusieurs fois dans sa carrière, les études RMN serviront de prétexte à des exercices de synthèse totale comme celle du Polygodial, un antiappétant très puissant sur les insectes.

Vers 1978, Jean-Yves Lallemand aborde pour la première fois des sujets touchant la biologie lors de l’étude de l’interaction du cis-platine avec des oligonucléotides modèles d’ADN. Une autre étude concerne l’exploration du site de fixation de l’hémoglobine.
En 1981, il constitue un nouveau groupe de recherche en RMN à l’Institut de Chimie des Substances Naturelles (CNRS, Gif-sur-Yvette) et est nommé maître de conférences à l’École polytechnique. La nouvelle équipe RMN de l’ICSN s’affirmera rapidement en France et sur le plan international comme spécialiste des nouvelles méthodes de RMN multidimension-nelle et hétéronucléaire, en particulier avec la première expérience de « détection inverse », maintenant largement utilisée pour l’augmentation de sensibilité qu’elle procure. Au fil des années, l’équipe a publié de nombreuses innovations au niveau des méthodes RMN (RMN 3D), du traitement du signal, des logiciels ou de la RMN in vivo sur rats, cellules de plantes en culture ou organes perfusés. Certains développements, tels le suréchantillonnage et le « filtrage digital » dans les différentes dimensions des spectres, sont aujourd’hui intégrés en standard dans les spectromètres modernes.

Parallèlement, il développe son activité en synthèse organique. Cette recherche, qui relève de la synthèse multiétapes, met en jeu la chimie organique classique mais aussi la chimie organométallique, la photochimie et la chimie radicalaire. Elle a permis la découverte de nombreuses réactions ; on peut signaler l’amélioration considérable de la cuprostannylation d’alcynes par l’addition de plusieurs équivalents d’eau.

Enfin, Jean-Yves Lallemand a récemment apporté une contribution importante à la compréhension des mécanismes fondamentaux intervenant dans la mucoviscidose. Partant d’un raisonnement de chimiste, il a peut-être mis le doigt sur une stratégie alternative de traitement de maladies génétiques consistant à activer, par des molécules simples, des gènes peu exprimés ou en sommeil et produisant des protéines de substitution remplaçant fonctionnellement la protéine déficiente. Ses résultats ont conduit à un essai thérapeutique de phase II, utilisant la colchicine comme inducteur, dont les premiers résultats sont très encourageants.

Jean-Yves Lallemand est l’auteur de 247 publications, 4 brevets et une licence. Il a donné de nombreuses conférences à l’étranger et dirigé une cinquantaine de thèses.

Outre son élection à l’Académie des sciences, il a reçu le prix de la division Chimie organique de la SFC (1980), le prix de l’Académie des sciences (1984), la Médaille d’argent du CNRS (1984) et le prix Grammaticakis-Neuman de l’Académie des sciences (1993).

Depuis 2000, il dirige l’Institut de Chimie des Substances Naturelles du CNRS à Gif-sur-Yvette.