Brevets en chimie : la cote d'alerte ?
La lecture des statistiques du Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle (BOPI) pour l’année 2000 est intéressante pour observer l’évolution de la chimie en France. Le nombre de brevets déposés et l’évolution par rapport aux années précédentes est en effet un bon indicateur de la santé du domaine considéré.
Quelques chiffres globaux tout d’abord : en 2000, il a été déposé 160 002 brevets en France tous domaines confondus) et les sociétés et individus français n’en ont déposé que 21 614, soit 13,5 %.La grande majorité des brevets français protège donc des sociétés étrangères. Ces chiffres reflètent l’ensemble des dépôts effectués par la voie nationale utilisée majoritairement par les Français (13 870) qui emploient moins la voie européenne (4 261) et la voie internationale (3 483) ; il est clair que les déposants étrangers utilisent de préférence les voies européennes et internationales pour leur protection industrielle en France.
Sur la base des statistiques tirées des dépôts effectués par la voie nationale, on peut mesurer l’importance de la chimie (chimie organique fine, chimie macromoléculaire, pharmacie et cosmétique, biotechnologie, matériaux t métallurgie, produits pour l’agriculture et l’alimentation) qui ne correspond qu’à 10,6 % des demandes. On peut cependant ajouter à cette valeur 0,9 % pour les brevets de procédés chimiques et pétroliers, ce qui donne 11,5 % de la demande de brevets pour le domaine de la chimie.
Nous rappelions ici en janvier que l’industrie chimique procure 250 000 emplois directs en France. Si les demandes de brevets reflètent bien l’évolution d’un domaine industriel, et il n’y a pas de raison d’en douter, on peut s’inquiéter de cette tendance à la baisse pour la chimie.
Y a-t-il une « culture brevet » en France ?Y a-t-il encore des domaines en chimie où l’innovation peut trouver sa place et y a-t-il une industrie française prête à s’y engager ?Y a-t-il adéquation entre les thèmes forts de la recherche publique et les possibilités d’innovation ? Ces questions ne sont pas nouvelles mais toujours d’actualité.
En ce qui concerne la « culture brevet », un effort a été fait dans la recherche publique pour que le brevet soit davantage pris en considération par les instances d’évaluation pour le développement de la carrière des chercheurs. Peut-être un effort est-il à faire pour sensibiliser les étudiants aux problèmes de propriété industrielle et en particulier à la manière de lire et mieux rédiger un brevet. On n’insiste sans doute pas assez sur le côté ludique de la chose : ne doit-on pas en effet dissimuler le raisonnement scientifique qui a guidé l’expérimentation pour mettre en avant le côté inattendu ou fortuit de la découverte ? La propriété industrielle préfère Harry Potter à Géo Trouvetout.
Quelle belle leçon de modestie !!
Pour ce qui concerne les questions plus importantes touchant aux domaines où l’innovation est possible, à l’engagement de l’industrie et à sa relation avec la recherche publique, cela dépasse cette chronique et une réflexion profonde doit être entreprise. L’Union des Industries Chimiques et la Société Française de Chimie ont décidé d’ouvrir un en quête sur ces sujets et, bien entendu, les lecteurs de L’Actualité Chimique en seront informés.
Bernard Sillion
Rédacteur en Chef