Chimie et société
Pendant que j’écris ces lignes, les radios commentent la libération des otages du théâtre de Moscou obtenue par les forces spéciales russes en utilisant un gaz incapacitant. On voit déjà dans les propos apparaître une controverse sur ce que les militaires appellent les « effets collatéraux » de ces produits, car il semble que moins habituées que les pays occidentaux au dialogue médiatique, les autorités russes ont un défaut de communication dans cette triste et dramatique affaire. La chimie est encore au cœur d’un sujet de société car la frontière entre certains agents non létaux et les armes chimiques est sans doute très facile à franchir. L’utilisation de ces produits a-t-elle provoqué plus de morts que sauvé des vies ? On peut en douter si l’on pense que les preneurs d’otages seraient allés au bout de leur dessein. On voit encore à l’occasion de cette catastrophe combien l’information est difficile.
Que faire pour informer le plus objectivement possible ? Tout d’abord, cela doit commencer tôt et il faut saluer l’initiative de la section régionale Nord-Pas de Calais-Picardie de la SFC et de l’UIC Nord-Pas de Calais qui veulent associer un senior de l’UIC et un junior du Club de jeunes de la SFC pour des séances d’informations dans les lycées et collèges. Tout ce qui complète les actions de « La main à la pâte », « Chimie la classe » et autres, est excellent, surtout dans les classes dans lesquelles l’orientation se dessine.
Un autre effort, qui fait suite à l’année de la chimie de 1999, consiste à renforcer les moyens de communication vers un public plus large qui ne perçoit pas que les nombreux objets ou les multiples produits que l’on utilise dans la vie quotidienne sont obtenus ou fonctionnent grâce à la chimie. C’est une des missions que s’est fixée « Chimie et Société » qui a débuté cette année avec des moyens très modestes et qui aurait besoin d’un réel soutien pour réaliser des actions significatives et coordonnées au niveau national, pour une réhabilitation de la chimie. Ces actions sont nécessaires si l’on veut que l’industrie chimique ne soit pas un jour sinistrée par défaut de cadres compétents, ce qui ne manquera pas de se produire comme le montre la désaffection pour les études scientifiques soulignée dans un rapport de l’Académie des sciences.
La chimie des substances renouvelables fait l’objet de ce numéro. Cette chimie très ancienne doit être revisitée dans le cadre plus général du développement durable et l’on trouvera à cet égard dans ce numéro une analyse d’un remarquable ouvrage intitulé Handbook of green chemistry qui traite largement de tous les aspects de la chimie durable.
Associer chimie et écologie est un des objectifs du développement futur, mais comme le souligne Maurice Dohy de l’Ademe dans l’article introductif, des enjeux majeurs en ce qui concerne l’énergie et la production de matières premières sont en cause pour le XXIe siècle.
Gageons que ce numéro retiendra l’attention de nos lecteurs et je remercie Marguerite Rinaudo et Alessandro Gandini pour la part prépondérante qu’ils ont prise dans son élaboration.
Bernard Sillion
Rédacteur en Chef