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Créer des conditions propices au dialogue interdisciplinaire

Article paru dans l'Actualité Chimique N°292 - décembre 2005
Rédigé par Gauduel Yann-Antoine

Exercice accompli~! Mais il était loin d’être gagné d’avance tant il est difficile de rendre cohérent, dans un temps imparti et relativement bref, une activité rédactionnelle d’envergure mettant en scène plus de 70~acteurs, motivés autour d’un scénario original «La chimie célèbre l’Année mondiale de la physique». L’unité de lieu d’expression était connue de tous~: les colonnes de L’Actualité Chimique. Une fois le décor planté, les acteurs devenant auteurs, l’œuvre collective pouvait voir le jour.
Certes l’exercice par lui-même s’avérait être périlleux car il ne s’agissait pas d’établir une série de monologues pour lesquels chaque acteur aurait utilisé ses propres vocables. En réalité, il fallait bel et bien créer des conditions propices au dialogue interdisciplinaire de qualité~; une communication entre scientifiques, reconnue comme telle par les physiciens et chimistes, mais devant satisfaire aussi un large lectorat dont j’aime à dire qu’il s’étend, typiquement, du bac +~2 au prix Nobel.

L’année 2005 a donc été le théâtre de douze représentations au cours desquelles des thèmes innovants ont été abordés, tant sur le plan fondamental qu’au niveau des applications réelles ou supposées. Les deux dernières contributions ont pour dénominateur commun l’usage combiné de photons et de particules neutre (neutron) ou chargée (électron) pour percer certains aspects de la chimie physique de systèmes moléculaires. Du photomagnétisme dans un solide à la chimie préthermique en phase liquide, les aspects quantiques des interactions laser-matière sont omniprésents.
Pour conclure cette aventure rédactionnelle collective, trois personnalités de sensibilité très différente ont accepté de porter un regard croisé sur leur perception de la physique et de la chimie dans la société. Du physicien spécialiste des lasers et initiateur de l’Année mondiale de la physique au spécialiste internationalement reconnu de la chimie supramoléculaire en passant par l’ingénieux navigateur, parrain de l’AMP en France, une idée essentielle semble se dégager. L’année du centenaire de la publication des travaux majeurs d’Einstein a été opportune à l’établissement de nombreux échanges entre les scientifiques et la société. Alors que certaines disciplines estiment que leur image auprès du public n’est pas excellente et mérite donc d’être améliorée, il est frappant de constater combien les préjugés s’estompent lorsque sont réunies, à grande échelle, les conditions favorables à la vulgarisation des connaissances scientifiques. Probablement cela nécessite-t-il un peu d’écoute de part et d’autre, entre ceux qui souhaitent communiquer des savoirs pas toujours aisés à rendre audibles et ceux dont l’oreille attentive est avide d’explications afin de mieux comprendre le monde qui les environne~?

Par étapes successives, l’effort de communication devrait donc porter ses fruits. Cela peut prendre du temps et nécessiter de l’opiniâtreté dans l’effort. Encore faut-il que les scientifiques eux-mêmes acceptent de descendre le plus souvent possible dans l’arène. Non pas celle faite du décor feutré généralement dévolu aux conférences ou colloques spécialisés, mais plutôt dans des lieux où l’atmosphère est créée par un auditoire hétérogène, intrépide, souvent critique envers l’homme de science. Un récent forum organisé par une caisse d’assurance maladie de province, et dont le thème était la place de la chimie dans la santé environnementale, a été l’occasion de me prêter à l’exercice du débat avec un cancérologue… devant environ 1~200 personnes, pas obligatoirement acquises à la cause de la chimie. L’exercice fut passionnant, voire enrichissant pour tout le monde, dès lors que les échanges de vue restèrent courtois. Mais pour avancer dans de tels débats, les échanges doivent être alimentés par des arguments étayés, vérifiables, clairs et utiles à tous. L’arène des temps modernes n’est donc plus vraiment celle des gladiateurs. Il n’y a ni vainqueur ni vaincu~! Seule l’ouverture d’esprit peut en ressortir un peu grandie car de sa relation avec la société, le scientifique acquière progressivement le sentiment qu’il n’a pas le monopole du parler juste ou du penser vrai. A son tour, il s’interroge.

Yann-Antoine Gauduel
Rédacteur en chef

Couverture
L’os cortical désigne la paroi externe des os qui leur confère rigidité et élasticité. Le squelette est ainsi constitué de 90~% d’os cortical formé d’une couche dense de tissu calcifié. L’os cortical entoure la cavité médullaire constituée de travées remplies de moelle osseuse. Observation en lumière polarisée. Photo~: Marie P. ©~Inserm.

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