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Guy Ourisson (1926-2006)

Article paru dans l'Actualité Chimique N°303 - décembre 2006
Rédigé par Rohmer Michel

Guy Ourisson, né le 26~mars 1926 à Boulogne-Billancourt, est décédé le 3~novembre dernier à Strasbourg. Après des études à l’École Normale Supérieure et la préparation de l’agrégation de sciences physiques (1946-1950), il soutient deux thèses déjà dans le domaine des terpènes, cette classe de substances naturelles qui l’accompagnera tout au long de sa carrière~: un PhD en 1952 à l’Université de Harvard avec L.F.~Fieser et un doctorat ès sciences physiques en 1954 à la Sorbonne avec G.~Dupont. En 1955, il est nommé maître de conférences à l’âge de 29~ans à l’Université de Strasbourg, puis professeur en 1958. Il est resté depuis fidèle à Strasbourg. En 1995, il est nommé professeur émérite et continue à partager son savoir et son expérience jusqu’à son décès.

Parmi les chimistes organiciens, Guy Ourisson a occupé une place exceptionnelle. Dès le début de sa carrière, son activité ne s’est pas limitée à un seul domaine. À partir de la chimie des substances naturelles (synthèse, détermination de structures, mécanismes réactionnels), il a forgé un outil destiné à résoudre des problèmes biologiques (chimiotaxonomie, voies de biosynthèse, allergologie, neurochimie) et des processus géologiques (géochimie organique). Il était convaincu que la solution de nombreux problèmes ne pouvait être trouvée que dans la conjonction de plusieurs disciplines scientifiques. Il en est résulté une riche production (plus de 400~publications, 40~revues, 25~essais) et quelques joyaux~: le cycloarténol comme précurseur des stérols chez les végétaux, les triterpénoïdes de série hopane comme fossiles moléculaires d’une classe négligée de lipides bactériens, l’évolution moléculaire des biomembranes et de la chimie prébiotique des isoprénoïdes. En presque cinquante ans d’activité, il a formé plus d’une centaine de doctorants, accueilli dans son laboratoire environ 180~collaborateurs d’une quarantaine de nationalités qui ont porté le rayonnement de son école à travers le monde. Il n’est donc pas étonnant que ses activités scientifiques aient été reconnues par de hautes distinctions et vingt-cinq prix scientifiques d’organismes français et étrangers. Il était docteur Honoris causa de l’École polytechnique fédérale de Zurich, membre de l’Académie des sciences depuis 1981 et de dix autres académies nationales et européennes, membre d’honneur des sociétés chimiques de Belgique et de Suisse ainsi que de la Royal Society. Il était commandeur dans l’Ordre de la Légion d’honneur, l’Ordre national du Mérite et l’Ordre des Palmes académiques, titulaire de l’ordre japonais du Trésor sacré (or et argent).

Guy Ourisson a fait preuve d’une activité infatigable. La liste des responsabilités qu’il a assurées est trop longue pour être citée de façon exhaustive. Il a fondé en 1959 le Groupe d’études de chimie organique (GECO) sur le modèle des Gordon conferences. Toujours en accord avec une science sans frontières, il a fondé la Fondation nationale Alfred Kastler pour améliorer l’accueil des chercheurs étrangers en France et en a été le président. Il a été éditeur régional pour Tetrahedron Letters pendant de longues années (1967-2003) avec plus de 10~000 manuscrits édités. À partir de 1955 et jusqu’à sa disparition, il a été consultant pour de nombreuses entreprises françaises et étrangères. En 1971, il a été l’un des fondateurs de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg dont il a été le premier président (1971-1976). Il a assuré en 1981-1982 les fonctions de directeur général des enseignements supérieurs au Ministère de l’Éducation nationale, et de 1985 à 1989, celles de directeur de l’Institut de chimie des substances naturelles (ICSN – CNRS, Gif-sur-Yvette). Et finalement, en 1998-1999, il a été vice-président, puis en 2000-2001 président de l’Académie des sciences.

Pouvoir être utile aux autres a été un leitmotiv tout au long de sa vie. C’est ce qui lui a valu le respect, l’admiration et l’amitié de tous ceux qui l’ont approché.

Michel Rohmer
Professeur à l’Institut Le Bel à Strasbourg

La Société Française de Chimie et la rédaction de L’Actualité Chimique, pour lesquelles il s’est souvent investi, s’associent à la peine de sa famille, ses amis et anciens collègues.

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