Image de la science et culture scientifique
Promouvoir l’image de la science et diffuser la culture scientifique~: il y a un monde entre ces deux concepts.
Plus que jamais, l’évolution de la société interpelle la science sur les innovations et les développements techniques qu’elle connaît. Une attitude schizophrénique~: d’un côté, les développements techniques sont chéris par nos concitoyens –~les équipements high-tech se renouvellent à une telle vitesse que les objets offerts aujourd’hui n’existaient pas il y a cinq ans~; leurs succès commerciaux sont stupéfiants et obligent à la re-définition de ce que sont les «besoins fondamentaux» des citoyens~–~; d’un autre côté, les gens «ont peur» –~des rayonnements du téléphone portable, du micro-onde, etc.~– et, sans la moindre notion de dose, des produits chimiques qui font pourtant leur vie quotidienne. Les débats de société ont lieu, les experts sont à l’œuvre (les agences techniques~: AFSSET, AFSSA…), des conférences «citoyens» sont organisées, mais les conclusions de ces débats sont loin d’être partagées par toutes les parties prenantes~: la susceptibilité, la fragilité, les soupçons, la méfiance sont là et peuvent freiner –~freinent~– des décisions positives pour l’évolution du pays. Quiconque a participé à de tels débats peut y regretter le règne du mélange –~points historiques, conjoncturels, personnels, impressions, passions, tout intervient ensemble~– et l’on se dit qu’il faudrait chez tous un plus haut niveau de culture scientifique pour que des méthodes de travail plus analytiques soient de mise, qui permettent l’échange d’arguments plus sereins, pour que le fossé entre «ceux qui disent qu’ils savent» et «les inquiets» se comble. Beaucoup est fait pour la culture scientifique~: dans l’enseignement à tous niveaux, mais aussi dans les nombreuses associations qui s’attèlent à développer la «culture populaire». Mais il est une vérité à ne pas masquer~: apprendre une matière scientifique, c’est du travail, du temps, de l’obstination, parfois de la peine, ce n’est pas que du jeu, et ni à l’école, ni dans les associations, cette vérité n’est trop populaire.
Les volontaires de ces efforts (enseignants et enseignés) ne les font que s’ils sont soutenus, car le masochisme (disons~: le dévouement) a des limites. C’est là toute l’importance d’assurer une image positive à la science, pour que le public a priori estime cette curiosité qui anime les laboratoires, en évitant l’amalgame entre la science et ses applications –~qui peuvent être des bénédictions pour l’humanité mais aussi lui apporter des catastrophes. De nombreux scientifiques se dépensent avec dévouement, imagination et enthousiasme auprès du public pour faire connaître l’activité scientifique. Les «fêtes de la science» et les «journées portes ouvertes» sont de grands succès~; nombre d’expositions ou manifestations scientifiques très bien accueillies viennent d’initiatives locales compétentes et désintéressées. Pour faire passer l’image, on doit rester dans le ludique, qui étonne et séduit, alors que la culture scientifique, c’est faire comprendre le doute et la rigueur (en travaillant)~: deux domaines disjoints mais qu’il faut mobiliser ensemble.
La chimie –~c’est bien connu~– est malheureusement en délicatesse avec le public. Les chimistes s’en préoccupent de longue date et il faut saluer le remarquable travail de la Commission «Chimie et Société», tant sur la culture scientifique que sur l’image de la chimie auprès du grand public. Il faut aussi saluer, pour les sciences physiques, chimiques et biologiques, la place qu’a su prendre le Palais de la découverte, qui réussit à utiliser ce moyen irremplaçable –~tant pour développer la culture scientifique que pour éclairer l’image de la science~– qu’est la méthode expérimentale, si difficile à mettre en pratique parce qu’elle est coûteuse en temps et en espace. Malgré son succès –~ce qui montre que l’évaluation n’est pas toujours prise en compte~–, le Palais de la découverte est aujourd’hui menacé dans son autonomie ou même son existence. Il s’agit d’une tentative malheureuse, qu’il faudrait considérer comme un grave recul pour la science dans notre pays.
Paul Rigny
Rédacteur en chef
Couverture : conception graphique Mag Design
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