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Introduction

Article paru dans l'Actualité Chimique N°315 - janvier 2008
Rédigé par Leach Sydney

Lors de la préparation des numéros thématiques «Interaction
photon-matière~: de la photochimie aux photosciences» (a) «La photochimie pour mieux vivre», T.-H.~Tran-Thi, E.~Amouyal (coord.), L’Act. Chim., 2007, 308-309~;
(b)~«La photochimie pour transformer la matière», E.~Amouyal. consacrés aux développements des recherches entreprises en France depuis une douzaine d’années en photochimie, il est apparu clairement qu’il fallait étendre le thème «Photochimie dans l’espace» aux molécules interstellaires et à celles des atmosphères planétaires.

Par certains aspects, ce thème élargi porte sur les molécules prébiotiques. Les mécanismes de formation et de destruction de telles molécules restent en partie spéculatifs et nécessitent plus que jamais de mener des recherches en laboratoire. Ces divers aspects revêtent une importance certaine pour l’exobiologie et pour une meilleure compréhension de l’origine de la vie sur Terre.

En l’état actuel de nos connaissances, la photochimie semble régir la chimie de nombreuses molécules simples détectées dans les milieux cométaires, interstellaires et dans les atmosphères planétaires. Et en amont de la photochimie, il y a la spectroscopie et la photophysique. La spectroscopie sert à identifier les atomes et molécules, ainsi que leur état (gazeux, liquide, solide), température, abondances, etc. La photophysique se base sur la spectroscopie pour déterminer les voies et les probabilités d’absorption en fonction de l’énergie photonique incidente, puis elle permet de déterminer les voies radiatives et non radiatives (y compris la dissociation et l’ionisation) de relaxation de l’énergie absorbée.

Les conditions physiques dans les milieux interstellaire, circumstellaire, atmosphères planétaires et cométaires, où l’importance des réactions photochimiques est grande, sont très variées. Elles couvrent une large gamme de températures~: depuis 2,7~K correspondant au rayonnement de fond cosmologique, jusqu’à plusieurs milliers de degrés~K dans les atmosphères stellaires, ainsi que des domaines de densité de la matière depuis 102~cm-3 dans des nuages diffus interstellaires jusqu’aux pressions très élevées observées dans les atmosphères de planètes géantes.

L’interprétation des données obtenues par des observatoires terrestres ou satellitaires et des missions spatiales nécessite de simuler au laboratoire les processus physico-chimiques en question. La nature et l’échelle des simulations peuvent être très variées. Par exemple, il faut faire la synthèse de molécules rares afin de mesurer leurs spectres optiques ou de radiofréquences en vue de pouvoir comparer des observations spectroscopiques astronomiques avec des mesures spectroscopiques effectuées dans des conditions spatiales ou interstellaires simulées. Notons également que des travaux théoriques sont importants dans ce domaine, en particulier concernant la spectroscopie et la photochimie moléculaires dans des conditions physiques difficiles à reproduire au laboratoire, ainsi que pour modéliser les processus ayant lieu dans des milieux astrophysiques.

Les contributions des différents auteurs dans ce cahier spécial de L’Actualité Chimique s’inscrivent dans la trame esquissée ci-dessus. J.-L.~Lemaire et ses collègues décrivent les travaux menés dans leur laboratoire pour simuler les processus de formation de l’hydrogène moléculaire –~la molécule la plus répandue dans l’univers~– par chimie hétérogène sur des grains de poussières interstellaires. Ces processus fondamentaux où intervient la chimie des surfaces sont mal connus. Ils font l’objet de travaux dans les quelques laboratoires dans le monde où l’on a pu construire l’équipement complexe nécessaire.

Les travaux de S. Boyé-Péronne et D.~Gauyacq concernent des expériences de photolyse moléculaire en phase gazeuse effectuées au laboratoire, y compris par des sources de rayonnement synchrotron et en utilisant diverses techniques d’analyse spectroscopique. Ils portent sur des petites molécules hydrocarbures jouant un rôle important dans la chimie du carbone interstellaire et circumstellaire, ainsi que dans des atmosphères planétaires et cométaires, en particulier par les réactions où prennent part des radicaux libres issus de la photolyse de ces composés.

Des études de laboratoire portant sur l’atmosphère de Titan et sur la chimie interstellaire sont présentées par I.~Couturier-Tamburelli et coll. Il s’agit de la photochimie des cyanopolyynes dans des matrices et associés à l’eau. Les résultats permettent de proposer de nouvelles voies de formation de molécules dans le milieu interstellaire, y compris de certaines molécules précurseurs de bases nucléiques. La plupart des travaux présentés dans ce cahier comportent des aspects de chimie hétérogène. L’intervention de la phase solide dans la formation et la destruction de molécules en milieu astrophysique deviennent de plus en plus évidents de nos jours.

La contribution de M.-C. Gazeau et coll. montre la gamme très vaste des études de spectroscopie et de photochimie qu’ils ont entreprises, souvent dans des conditions simulant celles des milieux astrophysiques, ce qui a nécessité le développement et la construction de nouveaux outils techniques. Ces études permettent l’interprétation des observations spectroscopiques sur les atmosphères planétaires obtenues surtout lors de missions spatiales. C’est ainsi qu’il est possible d’identifier et de déterminer l’abondance des espèces observées. Les objectifs nécessitent également de développer des modèles théoriques permettant de comprendre les processus physico-chimiques ayant lieu dans ces milieux astrophysiques. Les travaux détaillés et portant sur l’atmosphère de Titan sont particulièrement importants et ont des retombées en exobiologie.

Ce dossier spécial ne donne qu’un petit aperçu de la richesse et de la variété des recherches existantes dans le domaine des molécules interstellaires et de la photochimie dans l’espace, développées en particulier en France. Le caractère de recherche à la frontière des connaissances dans le domaine de l’espace –~qui intéresse le grand public et enthousiasme des jeunes chercheurs~– est évident dans les travaux présentés ici. Ces derniers témoignent que la photochimie dans l’espace est capable d’un grand avenir scientifique, propulsée par le développement formidable de l’astrophysique spatiale.

Sydney Leach et Edmond Amouyal, coordinateurs

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