Lavoisier, chimiste et esprit universel
Nous célébrons cette année le bicentenaire de la mort de Lavoisier. Homme des lumières, Lavoisier est connu du grand public comme le créateur de la chimie moderne, dont le Traité élémentaire de Chimie peut être considéré comme l’acte fondateur et nous en sommes justement fiers.
Il devrait l’être aussi comme un des plus puissants esprits du XVIIIe siècle. Ce grand bourgeois a été un homme de pouvoir sans jamais avoir été homme de gouvernement. Fermier général, régisseur des Poudres et Salpêtres, président de la Caisse d’Escompte, initiateur de la réforme des poids et mesures, il a été un des industriels et des économistes les plus influents de son siècle.
Son œuvre scientifique est extrêmement large : géologue et pédologue, il est l’un des auteurs de l’Atlas minéralogique de France ; météorologue, il crée un réseau de correspondants en Europe pour améliorer la prévision du temps à deux jours ; fondateur de l’agronomie moderne, il la base sur les expérimentations et les bilans quantitatifs, créateur de la physiologie moderne, tant de la respiration que de la digestion, auteur de la révolution fondatrice en chimie bien sûr, mais également, par ses bilans thermiques et de matières, précurseur de la thermodynamique et du génie chimique, il est dans tous les domaines un novateur et un créateur. On peut reprendre ses conclusions ou ses analyses aujourd’hui, elles restent étonnamment modernes. Le mode de raisonnement reste un modèle de nos approches actuelles.
Lavoisier devrait être reconnu comme le véritable fondateur de la méthode expérimentale scientifique moderne, avant Claude Bernard qui lui a, d’ailleurs, rendu hommage.
Dans le discours préliminaire du Traité élémentaire de Chimie, il propose «de ne chercher la vérité que dans l’enchaînement naturel des expériences et des observations» et toute son œuvre scientifique va être un va-et-vient constant entre hypothèses et théories, d’une part, observations et expérimentations d’autre part. Il les liera par une logique rigoureuse héritée de sa formation mathématique et l’établissement des bilans quantitatifs tant de matière — la balance — que de chaleur — le calorimètre —, dont l’habitude lui vient peut-être de son métier de financier.
Il serait sans doute équitable de rendre aussi hommage au rôle joué par l’Académie des sciences, à la fin du XVIIIe siècle, dans l’établissement de cette méthode scientifique expérimentale dont le XIXe et le XXe siècle allaient montrer la puissance, mais Lavoisier y a joué un rôle central.
L’ensemble de la communauté des chimistes, la Société de Chimie Industrielle, la Société Française de Chimie, l’Académie des sciences, dont il fut un actif président, ont souhaité commémorer le bicentenaire de ce génie, du créateur de la chimie moderne, en faisant de 1994 l’Année de la chimie. Une série de manifestations et de colloques, une exposition qui circulera dans une quarantaine de lycées, collèges, centres culturels français et étrangers donneront à cette occasion aux étudiants et lycéens, comme au grand public, une meilleure idée de notre discipline, de ce qu’elle doit à Lavoisier bien sûr, mais aussi de ses apports à notre société. Tout ceci n’aurait pas été possible sans le soutien de mécènes de l’industrie et de responsables des grandes institutions de l’État, mais aussi sans le dévouement des membres et animateurs des associations et sociétés savantes, qu’ils en soient tous là remerciés.
Claude Fréjacques
Membre de l’Institut
Couverture
Antoine Lavoisier, chimiste, 1743-1794.
Collection Bertarelli, Milan.