Nanomatériaux et organisation de la matière
Les nanosciences représentent l’un des développements les plus prometteurs des sciences de la matière. Derrière le raccourci «nanoscience», sans véritable signification, se trouve cerné un champ défini par la taille des objets étudiés~: la science ou les sciences du domaine nanométrique. Pour la première fois, une science n’est plus définie par rapport aux objectifs d’une discipline (les lois de la matière pour la physique, celles de transformation de la matière pour la chimie ou celles de la vie pour la biologie), mais par une taille. Le domaine peut donc être approché sous différents angles et devenir un lieu privilégié de recherche pluridisciplinaire, chacun apportant son éclairage et son expérience dans l’étude et la définition de champs communs.
La chimie, et notamment la chimie moléculaire dont les objets sont de taille (sub)nanométrique, gouvernés par la mécanique quantique, est particulièrement bien armée pour concevoir, réaliser, assembler les nano-objets utiles dans ce domaine et les étudier avec physiciens et/ou les biologistes.
Le but de ce numéro est de donner un éclairage sur l’état de la recherche en chimie moléculaire en France dans le domaine des nanosciences. Les articles proposés abordent la plupart des questions importantes évoquées plus haut et y apportent des débuts de réponse~ nano-objets fonctionnels et multifonctionnels, nouvelles méthodes d’assemblage, élargissement du champ des nanosciences à la catalyse et à la séparation sélective.
Nous nous sommes limités à l’aspect moléculaire de la chimie –~en écartant à regret chimie du solide, matière molle, systèmes biologiques, où des avancées importantes ont lieu~– pour plusieurs raisons. Faute de place d’abord~: d’autres numéros spéciaux auraient leur place (cristaux liquides, nanotubes, encapsulation, avec d’autres beaux exemples d’applications…) et viendront sans doute. La deuxième raison est que nous souhaitions illustrer par divers exemples la mutation qui, intégrant les acquis de la chimie des polymères, s’est produite – ~et se poursuit~– en chimie organique, en chimie organométallique et de coordination, vers les matériaux et vers la chimie supramoléculaire. C’est particulièrement le cas de la chimie de polymérisation minérale, plus connue sous le vocable de procédé sol-gel. Cette ouverture a précédé de peu l’avènement des nanosciences.
Nous souhaitons que le lecteur puisse découvrir à travers quelques exemples comment la chimie moléculaire –~dont les modes de pensée et d’action permettent de raisonner et de bâtir à partir de l’échelle élémentaire, atome ou molécule~– apporte dans le domaine des nanosciences des réponses spécifiques et inédites à des questions qui n’ont pas su trouver de réponse par ailleurs.
Robert Corriu et Michel Verdaguer, coordinateurs du numéro
Note : le fichier pdf lié à cet article contient également le glossaire lié au numéro.
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