Au début du XXe siècle, le médecin français Stéphane Leduc a cherché à synthétiser le vivant à l’aide de substances chimiques. Ses créations, les « jardins chimiques », ont pris des allures de cèpes, de pousses dotées de « bourgeons », de vers annelés… Pouvaient-elles être reproduites un siècle plus tard ?

C’est ce que le magazine La Recherche a voulu savoir en proposant à Richard-Emmanuel Eastes, professeur de chimie à l’École normale supérieure (Paris), et Colvis Darrigan, maître de conférences en chimie théorique à l’Université de Pau, de reprendre les protocoles de Leduc. Le résultat de ces expériences, photographiées par Stéphane Querbes, fait l’objet d’un superbe portfolio dans le numéro de septembre du magazine.

L’exercice a donné du fil à retordre aux chimistes. « Leduc a laissé peu d’indications sur son travail », expliquent-ils. En outre, « ses recettes manquaient de cette précision à laquelle le chimiste d’aujourd’hui est habitué. Quant aux unités utilisées, elles ne nous évoquaient parfois plus grand-chose. »
Trois jours durant, les scientifiques ont multiplié les essais avec des sels métalliques divers et des solutions de concentrations variées. Ils ont obtenu des cellules artificielles et des arborescences surprenantes… mais pas de « cèpes ». « Leduc a acquis une maîtrise prodigieuse des substances chimiques », reconnaissent-ils.
Entre 1905 et 1913, Leduc avait obtenu des cellules artificielles en déposant des sels métalliques dans des solutions saturées de carbonate de potassium. Entourées d’une membrane semi-perméable laissant entrer l’eau, ces cellules grossissaient à vu d’œil, pouvant atteindre plusieurs centimètres. R-E. Eastes et C. Darrigan en livrent désormais le mécanisme… et la recette détaillée.

Notons que La Recherche fête la parution de son 400e numéro et présente à cette occasion un dossier « 400 ans de sciences », avec les 116 expériences qui ont changé le monde.

• La Recherche, n° 400, septembre 2006, 5,95 euros en kiosque.

Photo : l’un des jardins chimiques photographiés par Stéphane Querbes pour La Recherche. DR.