Cela fait plusieurs années que notre infatigable collègue Hervé This nous régale de ses réflexions sur la gastronomie, la gastrotechnie, etc., et tout ce que la chimie leur apporte. Car si ces arts ont fleuri de longue date, ils deviennent une science sans perdre de leur magie. Et ses lecteurs ou ses auditeurs (il est membre de l’Académie d’agriculture) sont conquis et partagent sa passion.

Comprendre n’est pas dessécher, stériliser, mais au contraire apporter une couche supplémentaire de plaisir, «Ah~! C’était donc cela~!». Ses relations privilégiées avec de grands chefs comme Pierre Gagnaire le confirme.

Dans ce traité, agréablement illustré, et dont les moins jeunes (sic) apprécieront les en-têtes du style «Où il est question…», comme dans les livres des collections verte (Jules Verne) ou rose (la Comtesse de Ségur), Hervé This se laisse guider par les émerveillements de ses découvertes et nous conduit vers ce qu’il pense être l’évolution inéluctable de la cuisine. Non pas, encore une fois, que les sciences aient le pouvoir de réduire l’inventivité des créateurs et le bonheur des «pratiquants». L’intérêt relativement récent pour l’apport de la science, notamment chimique, pour l’art pictural, par exemple, a la vertu de nous aider à voir ce que nous regardons.

Dans les divers chapitres de son livre, Hervé This (qui se limite modestement à la cuisine française de Taillevent au XIVe~siècle à aujourd’hui) tente de répondre à la question préalable «Qu’est-ce que la cuisine~?». Le péché de gourmandise est l’un des douze péchés capitaux, et nous savons, grâce à Molière, qu’«il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger.» Hérésie nous explique à la fois doctement et plaisamment Hervé This. Ce pourquoi il s’aide d’extraits de Brillat Savarin (La physiologie du goût, 1825), par exemple «je frémis à cette confession…» au sujet d’une femme qui voulait maigrir et buvait du vinaigre. Personnellement, mon livre de chevet serait plutôt Vingt plats qui donnent la goutte du bon Dr~Edouard de Pomiane (1935), un délicieux ouvrage (qu’Hervé connait certainement), qui s’élève contre les multiples «sans» et conclut son introduction par «Tout ceci, Mesdames, vous montre bien que la cuisine est une Science en même temps qu’un Art et que mes recettes se préparent dans une cuisine qui devient un laboratoire aussi bien qu’un atelier d’artiste.»

Artiste, oui, scientifique, oui aussi, et épicurien~; le livre d’Hervé This est un régal pour les yeux et les divers organes qui contribuent au plaisir de la gastronomie. Ses prédictions, la cuisine constructiviste et la cuisine note à note, deviennent des notions quasi familières et nous préparent à un avenir différent certes, mais heureux. La cuisine est un acte social (sociologues et anthropologues s’y intéressent), dont la fonction est aussi de dire «je t’aime».

Si ce n’est encore fait, pour vos achats de fin d’année et pour faire la nique aux pisse-vinaigre, offrir Mon histoire de cuisine sera un cadeau de choix.

Rose Agnès Jacquesy