Jacques Kheliff a eu un parcours atypique très riche qui ne le prédisposait pas à exercer le métier de chimiste. Après l’obtention à 16 ans d’un CAP de mécanicien, tourneur-fraiseur, ajusteur à Mulhouse, qui lui permit d’être embauché pendant trois ans à la Société Alsacienne de Construction Mécanique (SACM), il rejoint la société Rhône-Poulenc en 1972 comme mécanicien puis acheteur à l’usine de Chalampé. C’est là qu’il a démarré une étape-clé de sa carrière, à savoir son engagement syndical. En 1975, il est délégué syndical CFDT du site, adhérant pleinement au concept de l’autogestion alors prôné par Edmond Maire, le secrétaire général de la centrale syndicale. Il rejoint d’ailleurs celle-ci en 1984 en tant que secrétaire fédéral de la Fédération Unifiée de la Chimie-CFDT à Paris dont il devient le secrétaire général en 1987. En 1997, il devient secrétaire général de la Fédération Chimie Énergie après avoir conduit la fusion avec les gaziers-électriciens CFDT. EN 2002, membre du Bureau national de la CFDT et vice-président de European Mine, Chemical and Energy Worker’s Federation (EMCEF), il décide de retourner dans le monde de l’entreprise. Un bilan de compétences réalisé à ce moment détermine qu’il a un profil de manager et la société Rhodia l’accueille en tant que directeur délégué puis directeur du développement durable, poste novateur à cette époque, d’autant que la situation du groupe était difficile. Il convainc alors le PDG de faire du développement durable un des leviers du renouveau de Rhodia qui s’affirmera comme l’un des pionniers en ce domaine. Lors de la fusion Solvay-Rhodia, il sera confirmé dans cette fonction qu’il quittera à l’été 2016 pour prendre sa retraite.

Durant son engagement syndical, il a découvert l’importance de la sécurité au travail et de la maîtrise des risques (Rhodia puis Solvay ont véritablement développé cette culture et sont leaders dans ce domaine). À partir de son expérience sur le terrain, il a apporté au sein de l’entreprise de nouvelles procédures de communication, introduisant une approche participative qui a conduit à la définition d’un référentiel de responsabilité sociale et environnementale servant à toutes les entités du groupe pour la réalisation d’une évaluation annuelle de leurs pratiques.
Jacques Kheliff est également en charge de SPM (« Sustainable Portfolio Management »), l’outil qui permet l’analyse du portefeuille produits du groupe au regard des exigences du développement durable et oriente la stratégie du groupe. Le référentiel Solvay Way est intégré au processus de management décrit dans le « Management Book » qui peut être résumé en quatre éléments : simplifier et standardiser le mode de fonctionnement ; renforcer et optimiser la performance managériale ; clarifier la position de chacun en matière de prise de décision ; identifier les risques liés à la pratique et les maîtriser. Le « Management Book » est en ligne avec le principe de « Responsible Care » auquel ont adhéré de nombreuses entreprises, notamment chimiques.

Le Prix Félix Trombe récompense son engagement, à la fois syndical et au service de l’entreprise, qui l’a amené à avoir une carrière industrielle tout à fait remarquable et novatrice, en étant notamment un précurseur dans le développement durable au sein d’une grande société chimique internationale.