Le Prix franco-allemand est décerné à Paul Knochel pour ses travaux remarquables dans le développement de nouvelles méthodes de synthèse pour préparer des organométalliques du zinc et du magnésium polyfonctionnels avec LiCl comme catalyseur ouvrant la voie à de nombreuses applications industrielles, et pour son implication avec la communauté française.

Après son doctorat obtenu en 1982 à l’ETH de Zürich (Suisse) sur les réactifs de nitroallylation, Paul Knochel est recruté comme chargé de recherche au CNRS dans le laboratoire de Jean Normant (Paris 6). Il développe pendant quatre ans des réactions d’allylzincation et la préparation de réactifs du zinc et du magnésium. En 1986-87, il effectue des recherches sur les complexes arène-chrome des indoles à l’Université de Princeton (New-Jersey, E.-U.), et obtient en 1988 un poste d’« Assistant Professor », puis de « Full Professor » à l’Université d’Ann Arbor (Michigan). Il est nommé professeur de chimie organique à l’Université de Marbourg (All.) en 1992, puis à la Ludwig-Maximilians-Universität de Münich en 1999.

Paul Knochel est l’un des leaders mondiaux de la communauté des chimistes organiciens. Ses travaux ont largement étendu les utilisations des organométalliques en synthèse organique, tant au niveau fondamental qu’appliqué. Il a développé de nouvelles méthodes pour préparer des organométalliques du zinc et du magnésium polyfonctionnels (contenant par exemple des groupes ester, cyano, nitro ou cétone). Cette préparation est basée sur l’emploi du chlorure de lithium comme catalyseur. Ce sel (produit à l’échelle de la tonne par Rockwood Lithium Inc. en Allemagne) rend plus nucléophiles (et donc plus réactives) les espèces organométalliques par coordination de l’ion chlorure sur le métal, augmente l’acidité et l’électrophilie des composés organométalliques en réduisant leur agrégation par coordination, et augmente la solubilité des organométalliques et des sels métalliques dans les solvants organiques (THF, toluène).
Parmi les résultats importants, un échange brome-magnésium a été réalisé grâce à iPrMgCl.LiCl. Des bromures aromatiques ou hétéroaromatiques polyfonctionnels ont pu être transformés en dérivés du magnésium dans des conditions très douces. Cette méthode a permis, entre autres nombreuses applications, la synthèse d’un produit anti-VIH : l’émivirine.
LiCl complexé à des bases métalliques encombrées augmentant la solubilité des amidures de magnésium a permis la déprotonation directe et souvent difficile par les méthodes habituelles d’un grand nombre de composés aromatiques et hétérocycliques. L’addition de LiCl à une suspension de métal active l’insertion de ce métal dans une liaison carbone-halogène d’halogénures organiques. Cette méthode tout à fait générale s’applique en particulier au zinc (poudre commerciale) et permet d’éviter l’utilisation du diéthylzinc pyrophosphorique pour la préparation d’organométalliques du zinc. Ces espèces organométalliques ont conduit au développement de nouvelles méthodes de couplage mixtes reposant sur des systèmes catalytiques à base de palladium, nickel, cobalt, cuivre ou fer*.

Sa production scientifique est exceptionnelle : 767 publications (dont Angew. Chem. Int. Ed. (plus de 100), JACS, Nature Chem. ; indice h : 85), 47 brevets, deux ouvrages, 633 séminaires ou conférences. Ses travaux lui ont valu une reconnaissance internationale qui s’est traduite par l’attribution de nombreux prix ou médailles tant au niveau académique qu’industriel (Médaille Berthelot, Prix Victor Grignard, IUPAC Thieme Prize, Leibnitz Prize, Karl-Ziegler Prize, Nagoya Gold Medal, Otto-Bayer Prize, Janssen Prize, Merck Award, Lilly European Distinguished Lectureship Award…), et d’une ERC Advanced Grant en 2008. Il est membre de l’Académie des sciences de France, de Bavière, d’Allemagne, et du Center for Advanced Studies à Munich.

Les relations qu’il a tissées avec les laboratoires français sont aussi exceptionnelles (Paris 5, Paris 6, Marseille, École Polytechnique, Rouen, Rhodia, Roussel Uclaf), et il est également intervenu en enseignement (DEA à l’Université de Cergy-Pontoise). En 2014, un laboratoire international associé a été créé entre les Universités de Munich (P. Knochel) et Chimie ParisTech-CNRS (G. Cahiez) pour développer la chimie organométallique orientée vers la synthèse organique et la catalyse homogène.

*Voir Knochel P. et coll., Couplages mixtes catalysés par le fer, le cobalt et le chrome, L’Act. Chim., 2015, 393-394, p. 62.