Hommage à Laurent Delannoy

“Ses collègues et amis conserveront de Laurent le souvenir d’un excellent scientifique, d’un enseignant remarquable et surtout d’un homme modeste, bienveillant, altruiste, généreux et d’une exceptionnelle gentillesse.”

Laurent Delannoy est né en Septembre 1971 à Valenciennes, dans le Nord, une région à laquelle il restera toujours très attaché. Il a effectué ses études supérieures à l’Université des Sciences et Technologies de Lille où il a obtenu une maîtrise de Chimie-Physique en 1994 puis un DEA de Spectrochimie, Molécules, Solides et Réactivité en 1995. Il mentionnait souvent sa reconnaissance envers le système universitaire français qui lui a permis de poursuivre les études qu’il avait choisies, et son attachement à l’Université qu’il a eu ensuite à cœur de servir en retour.

Son brillant cursus universitaire lui a permis d’obtenir une bourse de doctorat financée par le ministère de la recherche et de la technologie, au Laboratoire de Catalyse Homogène et Hétérogène de Lille. Son sujet de thèse concernait le développement de catalyseurs à base de carbures de métaux de transition pour les réactions d’hydrodéchloration de chlorofluorocarbures (CFC), responsables de la dégradation de la couche d’ozone stratosphérique. Son travail, réalisé sous la direction du Pr. G. Leclercq, était co-encadré par les Dr. J-M. Giraudon et P. Granger. Deux volets caractérisaient son sujet de thèse, l’un plutôt académique sur la compréhension et l’optimisation des propriétés catalytiques des matériaux, l’autre plus appliqué guidé par l’intérêt porté à l’époque par Elf-Atochem, producteur de CFC. Laurent a obtenu son doctorat en Janvier 2000. Avec ses collègues doctorants, F. Dumeignil et S-C. Foveau, ils formaient un joyeux trio très soudé.

Après une année en tant qu’ATER à Lille, Laurent a traversé l’Atlantique pour effectuer, à partir d’octobre 2001, un stage postdoctoral aux Etats-Unis, à Atlanta, séjour dont il avait gardé un excellent souvenir. Laurent travailla au sein du Laboratoire des produits forestiers sous la direction du Pr. C.L. Hill à l’Université d’Emory. Avec la collaboration d’I. Weinstock, il s’agissait de développer une nouvelle technologie à base de polyoxométallates visant à éliminer la lignine de la cellulose afin d’obtenir un papier de haute qualité (air/O2 comme oxydant et eau comme solvant) sans production de déchets chlorés. Ses travaux ont conduit à de nombreuses et excellentes publications, et lui ont valu la reconnaissance de ses pairs. Le Pr. C.L. Hill dit encore de lui : ”He was highly capable, meticulous in his research and also hard working. He had substantial knowledge of heterogeneous catalysis from his work prior to joining my group and also as reflected in his research after leaving my group”. La gentillesse de Laurent, son honnêteté et sa simplicité lui ont permis de se créer de nombreux amis, avec qui il a partagé la découverte de l’Amérique, et dont il était resté très proche.

En 2002, Laurent est revenu en France après avoir réussi brillamment, dès le premier concours tenté, à obtenir un poste Maître de Conférences. C’est ainsi qu’il est recruté au Laboratoire de Réactivité de Surface (LRS) à Sorbonne Université (alors Université Pierre et Marie Curie) pour travailler avec le Dr. C. Louis qui avait initié une thématique dédiée à la catalyse par l’or. Il a apporté son expertise en réactivité catalytique et est devenu lui-même rapidement un expert dans la préparation de catalyseurs. Ce binôme, très complémentaire, a mis au point des méthodes de préparation de catalyseurs variées (déposition-précipitation, voies colloïdales, imprégnation à humidité naissante suivie d’un lavage par l’ammoniaque…) de catalyseurs monométalliques et bimétalliques (Au, Au-Pd, Au-Ni…) puis a cherché à remplacer progressivement l’or par d’autres métaux (combinaisons bimétalliques non-nobles avec le Zn : Cu-Zn, Ni-Zn et Fe-Zn). Leur expertise a contribué à la renommée internationale du LRS, et est à l’origine de très nombreuses collaborations, notamment à l’international. On peut citer l’étude des systèmes Au-Ir et Au-Ag avec le Dr. R. Zanella au Mexique, Au-Cu avec le Pr. P.S. Reddy en Inde et Au-Ag avec la Pr. P. de Jongh aux Pays-Bas. Laurent a également concentré une partie de ses études de réactivité catalytique sur l’élimination de molécules nocives : hydrodéchloration de molécules chlorées (collaboration avec le Pr. M. Keane, Edimbourg, Écosse), oxydation du monoxyde de carbone, décomposition de composés organiques volatiles (COV) (collaboration avec les Dr. N. Bion et J.M. Tatibouët, Poitiers) et en phase aqueuse (collaboration avec le Dr. M. Besson, IRCELyon). Mais Laurent a surtout développé des réactions d’hydrogénation sélectives du butadiène en butènes et plus récemment de l’acétylène en éthylène au LRS. Ces travaux ont d’ailleurs conduit à une étude pionnière sur l’utilisation de catalyseurs à base d’or pour l’hydrogénation sélective du butadiène. Au cours de sa carrière, Laurent aura également participé activement à la formation de nombreux étudiants en recherche, masters, doctorants et post-doctorants, avec une extrême bienveillance.

Pour améliorer la compréhension du mode d’action des catalyseurs à base d’or d’un point de vue moléculaire, Laurent Delannoy et C. Louis ont su interagir avec d’autres champs disciplinaires, en collaborant avec des chercheurs de sciences des surfaces (à l’INSP, Paris), en utilisant des techniques de caractérisation avancées, telles que la microscopie haute-résolution environnementale avec les Dr. S. Giorgio et C. Henry au CINaM à Marseille puis le Dr. J. Nelayah au MPQ, Université Paris-Cité et en s’aidant des outils de chimie théorique avec les Dr. D. Loffreda, ENS Lyon, et H. Guesmi, ICGM, Montpellier.

Laurent était aussi un enseignant extrêmement investi à tous les niveaux de la Licence et du Master, dans l’enseignement de la chimie inorganique et de la chimie des matériaux. Il a notamment été coordinateur de la plateforme de chimie inorganique expérimentale et responsable d’un enseignement expérimental pour lequel il cherchait constamment des améliorations. Lors de l’année internationale de la chimie en 2011, Laurent a déployé une partie de son énergie pour le tournage d’un film sur des expériences proposées en enseignement car il était toujours partant pour de nouvelles aventures ! Pour ses collègues enseignants, et pour le personnel des plateformes, il était le collaborateur idéal ! En plus de ses qualités indéniables de pédagogue, Laurent était toujours prêt à aider. C’était quelqu’un sur qui l’on pouvait toujours compter. Il a aussi co-fondé une UE de master autour de la chimie de surface appliquée à la catalyse dans laquelle il a incorporé des méthodes pédagogiques innovantes ce qui a valu des retours élogieux des étudiants. Dans ses dernières semaines, Laurent continuait de se préoccuper de manière extrêmement attentive du bon déroulement de cette UE dont il était responsable et au sein de laquelle il a enseigné jusqu’en février 2024.

Ses collègues se souviendront d’un homme posé, profondément humble, d’humeur stable, calme et modéré, et extrêmement respectueux de tous (collègues et étudiants). C’était un collègue de grande confiance, fiable et intègre. Le recul (non dénué d’humour !) dont il savait faire preuve, sa réserve naturelle et sa modestie l’ont conduit à prendre une position singulière eu égard aux standards de la recherche contemporaine, ne cherchant pas à faire valoir l’excellence de son dossier. Si Laurent avait peu d’appétence pour les manifestations scientifiques réunissant de nombreuses personnes, il avait une connaissance et une analyse approfondies des avancées scientifiques les plus récentes grâce à sa capacité de travail, sa mémoire étonnante et son remarquable esprit de synthèse.

Nous n’oublierons pas non plus sa capacité à être aussi bon tennisman que scientifique et sa connaissance encyclopédique du football depuis les années 1970, notamment concernant son club de cœur, le FC Valenciennes.

Laurent a affronté la maladie avec les qualités qui ont toujours été les siennes : discrétion, calme, et clairvoyance. Il faut aussi mentionner sa reconnaissance et son admiration du travail réalisé par l’ensemble des personnels hospitaliers qu’il a côtoyés au cours de ses séjours à l’hôpital.

Ses collègues et amis conserveront de Laurent le souvenir d’un excellent scientifique, d’un enseignant remarquable et surtout d’un homme modeste, bienveillant, altruiste, généreux et d’une exceptionnelle gentillesse.