Philippe Albert (1922-2000)
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Philippe Albert nous a quitté brutalement, en avril dernier.
Après ses études supérieures, il fut remarqué par le professeur Georges Chaudron qui accepta de le prendre en 1946 dans son Laboratoire à Vitry-sur-Seine pour y préparer sa thèse. Les premiers travaux scientifiques dont il fut chargé concernaient l’activité chimique de l’hydrogène désorbé par le palladium et ses alliages.
À la fin des années quarante, le professeur Georges Chaudron orientait les recherches de son laboratoire sur la préparation et l’étude des métaux de très haute pureté et il était à la recherche de méthodes d’analyse très sensibles. Pierre Süe, directeur de chimie au Laboratoire Joliot Curie du Collège de France, qu’il rencontrait lors des réunions de la Société Chimique, lui suggéra d’utiliser l’analyse par activation. La pratique de cette méthode a été rendue possible en France avec la construction du réacteur ZOE au fort de Chatillon en 1948.
G.~Chaudron demanda à Ph.~Albert de s’initier à cette nouvelle technique. Dès 1951, une communication à Oxford, accompagnée d’une note aux Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, fait état des possibilités de dosage des traces de sodium et de cuivre dans l’aluminium de haute pureté par irradiation à la pile. Une autre publication en 1953 fait état des possibilités de dosage du carbone dans le fer en utilisant les deutons accélérés par le cyclotron du Collège de France. En 1955, Philippe Albert obtient le grade de docteur ès sciences physiques en soutenant une thèse sur les applications des radioéléments à l’étude de la purification de l’aluminium et du fer. Le jury était composé d’Irène Joliot-Curie (présidente) et de Georges Chaudron et Jacques Bénard.
Après sa thèse, Ph. Albert développa des schémas de séparation radiochimiques après irradiation adaptés à chacun des différents métaux purs préparés par G.~Chaudron et ses élèves. Ces schémas, dérivés de ceux de l’analyse quantique classique, permettaient des séparations très sélectives et des analyses élémentaires à la fois très sensibles et très sûres. Ces travaux ont fait connaitre Philippe Albert comme l’un des pionniers de l’analyse par activation.
Philippe Albert était un chercheur passionné, novateur et acharné. Son énergie et son obstination lui avaient permis d’avoir accès à de nombreux moyens d’irradiation en France et à l’étranger. Néanmoins, il était conscient que c’était en se dotant et en dotant la France de moyens d’irradiation spécialement destinés à l’analyse par activation, qu’il pourrait y faire progresser cette technique et se maintenir dans le peloton de tête mondial. C’est la raison pour laquelle il lança et mena à terme la création d’un premier laboratoire situé sur le site de Saclay pour être aussi proche que possible des deux puissants réacteurs EL3. Pour cette réalisation, Ph.~Albert s’associa à Pierre Lévéque, alors chef de service de physico-chimie appliquée au CEA, qui pratiquait lui-même aussi l’analyse par activation. Ce laboratoire, auquel fut donné le nom de Pierre Süe, a fêté le 26~juin dernier ses trente ans d’existence. Les thèmes de recherches ont évolué, le personnel permanent a doublé, les moyens de caractérisation ont été diversifiés, notamment par la création d’une microsonde nucléaire capable de traiter des échantillons inactifs et radioactifs, mais l’analyse par activation continue à y être pratiquée parallèlement à d’autres méthodes dont l’ICP-MS. Il faut souligner que, dès l’origine, avait été conçu quasiment parfait pour y pratiquer l’activation neutronique. Il était et est encore doté de moyens d’irradiation uniques en France et exceptionnels dans le monde pour cette méthode d’analyse.
Philippe Albert proposé simultanément et obtint la réalisation, à trois ans d’intervalle, d’un deuxième laboratoire, équipé lui d’un cyclotron, en milieu purement CNRS sur le site d’Orléans. Il est à noter que ces deux unités non seulement existent toujours mais se sont développées. Elles ont accueilli et formé des centaines de chercheurs et ingénieurs du public et du privé, français et étrangers.
Jusqu’à son départ volontaire à la retraite en 1986 et bien au-delà, Ph.~Albert a conservé une activité scientifique débordante, concrétisée par de nombreuses publications et conférences. Il eut plusieurs dizaines d’élèves qui essaimèrent à travers le monde pour y développer les méthodes nucléaires de caractérisation qu’il leur avait enseignées. À Orléans, en tant que directeur des recherches, il a développé avec l’aide de ses collaborateurs et de Robert Muxart de nombreuses activités autour du cyclotron, non seulement dans le domaine des matériaux, mais aussi notamment en neutrothérapie et en archéométrie.
Plusieurs prix scientifiques lui ont été décernés~; en particulier le prix Cahours de l’Académie des sciences, la Médaille Hevesy et celle de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, Médaille Brandy.
Directeur de recherche émérite, Ph.~Albert continua à travailler avec le Bureau Communautaire de Référence. Esprit curieux de tout et catholique pratiquant, il se passionna pour la datation du Saint Suaire, et s’est investi dans des œuvres humanitaires.
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