Pourquoi des « précisions culinaires » ?
J’ai proposé que l’on distingue dans les recettes de cuisine trois parties~: une définition, une partie techniquement inutile, et des indications qui précisent la définition, et, de ce fait, ont été nommées des «précisions culinaires». Ces dernières regroupent dictons, adages, maximes, trucs, astuces, tours de main, protocoles… L’indication «ne pas mettre le poivre dans le bouillon plus de quelques minutes avant de servir» n’est pas un dicton, mais plutôt un conseil technique. Les études expérimentales ont montré que cette indication est intéressante~: un séjour du poivre de seulement quelques minutes dans un bouillon donne un goût frais, tandis qu’un séjour de plus de dix minutes fait perdre le piquant frais initial.
Le cas de la mayonnaise est intéressant, parce que l’on suit bien l’évolution des idées dans les livres de cuisine français, depuis le XVIIIe~siècle. Pourquoi les précisions relatives à la sauce mayonnaise sont-elles plus nombreuses que pour d’autres recettes~? En 2003, j’ai proposé que le nombre de précisions culinaires soit inversement proportionnel à la «robustesse» des recettes. En effet, une contemplation de l’ensemble des précisions culinaires recueillies semblait montrer que les recettes qui peuvent rater (divers systèmes colloïdaux chauds ou froids, systèmes très instables…) faisaient l’objet de plus de «commentaires» que les autres. En effet, les livres de cuisine sont succincts, quand les questions techniques sont simples. Pour la cuisson d’un rôti par exemple, une température et une durée de cuisson sont les seules indications données, dans bien des cas. Toutefois, la science ne se satisfait pas d’hypothèses vaguement exprimées, et elle veut réfuter quantitativement des conséquences des théories. D’où la nécessité de transformer l’idée intuitive de «robustesse» en un paramètre quantitatif ayant ce nom.
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