À l’origine, la cristallographie avait entre autres pour but de résoudre des structures cristallines par des techniques de diffraction sur monocristal.

L’approche cristallochimique venait ensuite et s’assignait de les décrire de la manière la plus simple possible en expliquant comment se font les arrangements entre atomes.

Cependant, ce qui prévalait il y a encore vingt ans a beaucoup évolué avec les progrès et l’automatisation des technologies structurales et de l’informatique. Désormais, la résolution de structures n’est plus l’apanage des physiciens et les chimistes peuvent résoudre eux-mêmes les structures des composés qu’ils ont synthétisés, et fournir dans leurs publications une jolie illustration pour tenter de les décrire. Ces facilités cachent malgré tout une régression certaine dans la compréhension des structures. S’il n’est pas accompagné d’une réflexion profonde sur les informations cachées que contient une structure, c’est-à-dire sur ses défauts, ses distorsions et sur ce que la topologie des arrangements laisse entrevoir sur les propriétés physiques potentielles, le dessin n’est qu’une illustration banale, et non une information prospective. Ceci a, hélas, été majoritairement oublié par les solidistes actuels qui regardent l’objet final comme support et non comme sujet de réflexions.

Le but principal de ce livre, très rafraîchissant à lire, et dont il n’existe actuellement pas d’équivalent, est d’abord de revenir en détail à ces fondamentaux, en les présentant d’une manière souvent peu académique, avec des recours à l’histoire des sciences (solides platoniciens), aux chefs-d’œuvre de l’art. Il s’agit essentiellement d’apprendre à lire une structure en dépassant les notions bien connues de coordinence, de distance, de motif, académiquement enseignées, pour s’intéresser davantage aux multiples défauts de la matière, à ses distorsions qui orientent le plus souvent les propriétés physiques de la matière, et surtout à la dynamique des solides, leurs réarrangements structuraux qui ne sont en définitive que les manifestations de la thermodynamique.

Ce réapprentissage des bases, à destination des nouveaux venus dans la science du solide, se fait graduellement, de manière très pédagogique, en privilégiant, pour autant que faire se peut, la notion de formes, qui sont en définitive un continuum entre l’ordre macroscopique et l’ordre moléculaire, dans le prolongement de ce que l’auteur avait préalablement écrit Férey G., Libre voyage d’un chimiste autour des formes, L’Act. Chim., 2014. Ce n’est donc ni un livre de cristallographie (les notions nécessaires sont réduites au minimum), ni un livre de cristallochimie classique, qui n’est souvent qu’une compilation des structures de base. C’est plutôt un plaisant livre de lecture, superbement illustré dans tout l’ouvrage avec des figures en couleurs très explicites.

Ce réapprentissage se déroule durant les cinq premiers chapitres, mais la force de ce livre tient dans les deux derniers chapitres respectivement dévolus aux évolutions des relations structurales et à ce qu’une connaissance approfondie des règles de cristallochimie peut apporter à une création rationnelle de nouveaux matériaux totalement inédits, comme les matériaux poreux découverts par l’auteur. À ce titre, il est source d’inspiration.

Les relations structurales décrites par l’auteur montrent que l’édification du solide dépend non seulement de la thermodynamique, mais aussi des filiations structurales entre des structures a priori complètement différentes. Quant à la création rationnelle, elle est l’occasion de définir les nouveaux concepts de chimie d’échelle et de réseaux augmentés à partir d’une définition plus générale de l’unité formulaire, unité formulaire qui devient d’ailleurs essentielle aujourd’hui pour tous calculs prédictifs de nouveaux composés.

À bien des égards, ce livre devrait être un des tous premiers à être acquis par tous ceux qui s’intéressent à la science du solide cristallisé, qu’ils soient étudiants ou enseignants. En effet, un bon cristallochimiste doit aussi être un bon dessinateur, ce qui n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi l’auteur fournit à côté du livre lui-même, un matériel supplémentaire à destination des enseignants, qui contient l’intégralité des figures du livre sous forme d’un fichier Powerpoint pour une projection en grandes dimensions devant les étudiants.

Ce livre est une réussite tant scientifique qu’esthétique, qui attirera les collègues sensibles aux beautés et à la logique des organisations structurales. Il m’a pour ma part comblé.

Jean-Marie Tarascon