Voici le parcours d’une savante autodidacte, moraliste et passionnée de chimie, née en 1720 et décédée en 1805, oubliée depuis quelques deux siècles, qui est justement rappelé à notre souvenir. Nous devons cette véritable résurrection au travail de deux professeurs de littérature canadiens, qui ont sollicité six spécialistes pour analyser, et aider le lecteur à découvrir une femme exceptionnelle qui, avant Lavoisier même, a pratiqué tous les arts (y compris le roman, le théâtre, la poésie), et une vision moderne et pas toujours flatteuse des caractères de ses contemporains.
Son apport essentiel réside dans la cohérence et la rigueur de sa pensée, qui n’accepte pas ce qui est prétendu évident, mais exige d’elle-même de faire varier les conditions aussi contrôlées que possible de ses expériences, précisément décrites dans ses cahiers de laboratoire.
C’est la mise à jour inattendue de douze volumes inédits de manuscrits (plus de 200 textes), notamment des Pensées, réflexions et anecdotes qui a réveillé un intérêt longtemps endormi. Plusieurs analyses critiques, la publication de textes (Essai pour servir à l’histoire de la putréfaction), une langue superbe, une pensée riche et originale nourrie par Montaigne et Voltaire plus que par Rousseau, justifient largement le travail que nous offre Oxford University (Studies in the Enlightenment) et sa lecture gourmande.
Rose Agnès Jacquesy