Promoteur de l'emploi du four électrique en chimie, inventeur du carbure de calcium et de la lampe à acétylène, découvreur du fluor, il fut le premier français à recevoir le Prix Nobel de Chimie en 1906.

Lors de la remise du prix, le Président de l’Académie Royale Suédoise, le Professeur P. Klason, souligna en ces termes les deux aspects essentiels de l’œuvre du savant ayant conduit au prix : « For having isolated and investigated the chemical element fluorine and for having introduced the electric furnace into the service of science – exploits whereby he has opened up new fields for scientific research and industrial activity ». En effet vingt ans auparavant, en 1886, Henri Moissan avait isolé le fluor lors d’une expérience restée fameuse et avait par la suite ouvert la voie des synthèses à très hautes températures.

Henri Moissan naquit à Paris en 1852, mais c’est à Meaux qu’il passa une grande partie de son adolescence et y commença sa vie professionnelle comme apprenti horloger. En 1870, la guerre obligeant sa famille à retourner à Paris, il fut incorporé une année dans l’armée puis s’inscrivit à l’Ecole Supérieure de Pharmacie de Paris. Henri Moissan hésitera longtemps entre Pharmacie et Chimie. Il s’inscrivit successivement dès 1872 à l’Ecole de Chimie expérimentale d’Edmond Frémy au Muséum puis rejoignit, toujours au Muséum, le laboratoire de P.P. Dehérain en commençant des recherches en physiologie végétale sur l’absorption de l’oxygène et l’émission de gaz carbonique par les plantes dans l’obscurité.

En 1879, il devint pharmacien de première classe. Ses recherches en chimie sur le fer pyrophorique et les oxydes métalliques de la famille du fer le conduisirent à une thèse de Doctorat ès Sciences qu’il soutint en 1880. Dans le même temps il monta les échelons à l’Ecole Supérieure de Pharmacie de Paris : Maître de Conférences et Chef de Travaux Pratiques depuis 1880, il fut nommé Professeur Agrégé en 1882 grâce à une thèse intitulée « Série du cyanogène ». A partir de 1884 Henri Moissan concentra tous ses efforts sur l’isolement du fluor, halogène dont l’existence était connue dès le début du siècle, suite aux travaux de A.M. Ampère en France et H. Davy en Angleterre (voir l’article : « A la poursuite de l’halogène manquant au XIXe siècle »), mais qui n’avait pu être isolé en raison de son exceptionnelle réactivité.

En 1887, Henri Moissan devient professeur titulaire la chaire de toxicologie à l’Ecole de pharmacie, puis de la chaire de chimie minérale de novembre 1899 à sa nomination à la chaire de chimie minérale de la Faculté des sciences de Paris en juillet 1900. En 1899 Moissan est nommé directeur du laboratoire de chimie pratique et industrielle de la faculté des sciences de Paris, fondé par Charles Friedel en 1896. Ce laboratoire forme à la pratique : Camille Chabrié, qui en était directeur adjoint, écrit en 1905 qu’un élève passe 1 000 h par an dans le laboratoire, ce qui était exceptionnel à l’époque en France. En 1900, Moissan est nommé professeur de chimie à la faculté des sciences. Il succède à Louis Troost. Il cumule donc deux fonctions.

Comme professeur à la Sorbonne, il a davantage de poids pour réformer l’enseignement donné dans le laboratoire qui formait des chimistes pour l’analyse et l’industrie, mais non des ingénieurs. Moissan veut élever le niveau et former des ingénieurs. En 1901 le laboratoire devient l’Institut de chimie appliquée (ICA). En 1906, il est autorisé à délivrer un diplôme d’ingénieur chimiste. L’enseignement est réformé en conséquence, comportant une part théorique plus importante, mais Henri Moissan, décédé brutalement en 1907, ne connaîtra pas le fruit de ses efforts. L’institut devient l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Paris (ENSCP) en 1948. C’est aujourd’hui ENSCP Paristech.

En 1896 et 1902, Henri Moissan accède à la présidence de la Société chimique de Paris. Elu vice-président en 1907, il aurait dû la présider une troisième fois en 1908. Entretenant des relations privilégiées avec l’industrie, Henri Moissan a vivement souhaité, lors de sa présidence, que davantage d’industriels viennent participer comme membres et conférenciers aux séances de la Société. Ce pdf entre universitaires et industriels était une de ses préoccupations premières.

Sources
– Itinéraires de chimistes 1857-2007 : 150 ans de chimie en France avec les présidents de la Société Française de Chimie
EDP Sciences, 2007, 588 pages (ISBN : 978-2-86883-915-2)
La découverte du fluor par Henri Moissan et son « héritage scientifique » en 2007
– Virginie Fonteneau, «D’un enseignement de chimie pratique et industrielle à une formation d’ingénieur-chimiste : les débuts de l’institut de chimie de Paris (1896-1948) », in Pierre Lamard et Nicolas Stoskopf, L’industrie chimique en question.
Ed. Picard, Paris, 2010, p. 53-65.
– Danielle Fauque, « Charles Friedel (1832-1899) and the Laboratory of practical chemistry in the rue Michelet in Paris »;
In José Raon Bertomeu-Sanchez et altri, Neighbours and territories : the evolving identity of chemistry, 6ICHC proceedings , Louvain-la Neuve, Mémosciences asbl, 2008, p. 709-716.
– Notice Moissan, in Dictionary of Scientific Biography.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Moissan