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AC Découverte : Atelier Science & Cuisine : déterminer la quantité d’ions magnésium dans l’eau de cuisson des haricots verts

Les Ateliers Science & Cuisine sont des activités expérimentales en relation avec les programmes pédagogiques des lycées, créés à la demande de l’Inspection de l’Académie de Paris. Ils ne cessent de s’enrichir de nouvelles activités qui profitent de l’engouement des élèves pour l’activité de « cuisine », témoignée par la présence de programmes de télévision dans de nombreux pays du monde.

Ces ateliers se présentent sous la forme de fiches expérimentales, comprenant une partie pour les élèves et une partie pour les professeurs. Elles sont accessibles sur divers sites, tel celui de l’Académie de Paris ou celui du Centre International de Gastronomie Moléculaire AgroParisTech-Inra [1].

Hervé This nous introduit à cet atelier Science & Cuisine !

 

La décoloration des haricots verts à la cuisson

Une des fiches récemment mise au point concerne les « légumes verts », largement consommés par l’ensemble des populations humaines. S’ils sont principalement appréciés pour leur contenu en composés « bioactifs », leur couleur est un facteur d’appréciation de leur qualité.

Pour les végétaux frais, cette couleur est notamment due aux chlorophylles et aux caroténoïdes. 

Des molécules derrière la couleur des aliments !

Toutefois ces composés sont souvent accompagnés de dérivés, notamment de dérivés des chlorophylles, telles les phéophytines, dont la quantité augmente au cours des traitements thermiques.

Où vont les ions magnésium ?

La contribution de ces derniers à la couleur est importante, même quand ils sont en petite quantité, car le coefficient d’extinction molaire des phéophytines pour certaines longueurs d’onde est supérieur à celui des chlorophylles. Le coefficient d’extinction molaire « ϵλ » est caractéristique d’une espèce à une longueur d’onde donnée, ainsi les spectres d’absorption des phéophytines et des chlorophylles sont différents, la couleur perçue sera différente.

Lors de la phéophytinisation, c’est-à-dire la transformation des chlorophylles en phéophytines, les ions magnésium du centre du groupe tétrapyrrolique des chlorophylles sont remplacés pas deux ions hydrogène, H+ (voir la vidéo).

Où vont les ions magnésium ?

Quand les haricots verts sont décolorés, non seulement ils sont moins appétissants mais ils perdent de leurs qualités nutritionnelles en perdant les ions magnésium !

Alors que nous étudiions la « précision culinaire » relative à l’effet protecteur du bicarbonate de sodium (ou hydrogénocarbonate de sodium, NaHCO3) sur la couleur des végétaux verts, nous avons cherché les ions magnésium Mg2+ dans l’eau de cuisson. 

EDTA, noté YH4.

Nous avons effectué les dosages par deux méthodes : la spectrométrie par absorption atomique et un dosage par titrage complexométrique à l’aide de l’acide éthylènediaminetétracétique (EDTA). 

Les expériences ont été effectuées pour les gousses immatures de Phaseolus vulgaris L. (« haricots verts »), en raison de l’importance de la couleur dans la « qualité » de tels légumes.

La méthode de dosage par l’EDTA donne des résultats fiables, de sorte qu’ils peuvent faire l’objet de travaux pratiques. Des haricots verts peuvent être obtenus toute l’année (les expériences, effectuées en hiver, ont utilisé des haricots cultivés au Kenya).

Matériels et méthodes

La première question qui se pose c’est de connaître la valeur de la concentration molaire de la solution d’EDTA nécessaire pour déterminer la quantité d’ions Mg2+ présents dans l’eau de cuisson des haricots verts.

Pour cela, on a voulu connaître un ordre de grandeur de la concentration en ions magnésium dans deux situations expérimentales : traitements « courts » (30 min) et traitements « longs » (180 min). Pour ces explorations, la méthode par spectrométrie d’absorption atomique a été privilégiée. 

Les analyses par absorption atomiques ont été effectuées à l’aide d’un spectromètre Hitachi Z5000 (Polarized Zeeman Atomic Absorption Spectrophotometer). Les ions magnésium ont été détectés à une longueur d’onde caractéristique de 285,2 nm par la méthode d’absorption atomique de flamme (FAAS).

Cette analyse par spectrométrie d’absorption atomique permet d’obtenir l’ordre de grandeur de la concentration molaire en ions magnésium. On en déduit que la concentration molaire de la solution d’EDTA à utiliser pour les dosages complexométriques est : CEDTA = 3,0.10-3 mol.L-1.

C’est parti : où sont passés les ions magnésium des haricots verts ?

On cuit les haricots verts dans un montage à reflux afin de garder constante la quantité d’eau de cuisson : entraîne-toi à faire un montage à reflux !

On réalise plusieurs expériences, en faisant varier deux paramètres séparément : le temps de cuisson et la présence ou non de NaHCO3(s).

Le dosage des ions magnésium dans l’eau de cuisson a été effectué par la méthode titrimétrique par l’EDTA. Dans une burette de 25 mL, on a introduit une solution à 3,0.10-3 mol/L d’EDTA. Dans un erlenmeyer, un volume connu des solutions à doser est placé et additionné de 3 mL de tampon et noir ériochrome T (« NET »). 

De l’eau distillée est utilisée comme témoin (avec tampon et noir ériochrome). 

Le point d’équivalence est déterminé par le changement de couleur du noir ériochrome, conformément à l’équation simplifiée :

Mg2+ + Y4- → [MgY]2-v

On effectue un dosage des ions Ca2+ et Mg2+ contenus dans l’eau de Volvic : T0. 

C’est parti pour le dosage complexométrique !

De l’eau distillée est utilisée comme témoin (avec tampon et noir ériochrome). 

Matériels et méthodes

Deux mesures précises ont été faites pour chaque solution. Les résultats sont indiqués dans le tableau suivant : À l’équivalence : nT = CEDTA x VE.

Quand on chauffe 100 g de haricots verts dans 250 g d’eau (T1 et T3 ou T2 et T4), pendant 30 ou 60 min, on voit que la concentration en ions magnésium augmente avec la durée du chauffage.

 

 

De plus, on observe que la concentration en ions magnésium est significativement réduite quand on ajoute de l’hydrogénocarbonate de sodium (T1 et T2, ou T3 et T4), correspondant aux observations préliminaires, ce qui montre une réduction de la phéophytinisation des chlorophylles en milieu alcalin.

En résumé, on a fait varier deux paramètres séparément, et les résultats sont les suivants : plus la durée de cuisson augmente, plus la quantité d’ions magnésium dans l’eau de cuisson est importante. En présence d’ions hydrogénocarbonate, la quantité d’ions magnésium libérés diminue.

Discussion

Les évolutions de la couleur des haricots verts ont été largement explorées dans le cadre des traitements thermiques associés à la préparation des aliments.

Lors de ces études, diverses « précisions culinaires » ont été testées, tels l’effet du chlorure de sodium (sel de table), l’influence de la température et de la durée de traitement thermique, l’effet éventuel du « blanchissement », l’effet éventuel d’un trempage dans l’eau glacée en fin de traitement thermique, l’effet du pH de l’eau où les tissus végétaux sont traités, l’effet de cuissons par micro-ondes ou par de très hautes pressions (« pascalisation »).

Ces explorations sont pédagogiquement intéressantes, pour de nombreuses raisons. Notamment, elles conduisent à s’interroger sur l’usage des adjectifs (« vert ») et la nécessité, pour des explorations rigoureuses, de remplacer ces mots par la réponse à la question « combien ? », qui permet ensuite l’exploration des mécanismes des phénomènes. 

On a notamment montré comment des dispositifs simples, tels des couches minces et un scanner de table, permettent d’accéder à des déterminations des quantités des divers pigments. Évidemment, des techniques plus complexes valident utilement les analyses, mais il a été montré que les dosages simples donnaient des résultats accessibles en classe.

Combien les haricots verts sont-ils « verts » ?

Les « couleurs » des tissus végétaux, classiquement attribuée à « la » chlorophylle par M. Caventou, est en réalité due aux chlorophylles ainsi qu’aux caroténoïdes, mais aussi à des composés phénoliques, par exemple. Pour les chlorophylles, plusieurs sortes se distinguent. Notamment la chlorophylle a est commune à tous les organismes photosynthétiques, mais des systèmes végétaux comme les haricots verts contiennent également des chlorophylles a’, b, b’, et leurs dérivés.

Parmi ces derniers, ce sont les phéophytines qui correspondent à la perte d’un ion magnésium et à son remplacement par deux ions hydrogène. Le changement conduit à une déformation du cycle tétrapyrrolique, et, de ce fait, à une délocalisation différente des électrons, d’où un changement de couleur.

Cela étant, bien d’autres dérivés existent dans les tissus végétaux ou sont formés lors de traitements thermiques : par désestérification, énolisationépimérisationdécarbométhoxylation

Exemples de caroténoïdes.

Chaque dérivé a un spectre d’absorption particulier, de sorte que la couleur totale dépend des proportions de chaque forme… et aussi de la présence des composés de type caroténoïdes, dont les principaux sont divers carotènes ou dérivés : lutéine, violaxanthine, néoxanthine.

Combien le tissu végétal contient-il de ces composés ? Nos explorations, avec une optimisation des conditions d’extraction (les composés qui contribuent à la couleur étant souvent dégradés en même temps qu’ils sont extraits dans les solvants d’extraction), conduisent à environ 12 mg de chlorophylle a/100 g de haricots frais, 4 mg de chlorophylle b et 0,5 mg de caroténoïdes.

Dans l’hypothèse d’une libération complète du magnésium dans l’eau de traitement thermique, cela correspondrait à environ 0,43 mg par 100 g de tissus frais, à comparer au traitement thermique le plus énergique que nous ayons fait, et pour lequel nous dosons 34,43 mg de magnésium.

Les auteurs

D’après l’article de Stéphane Besançon, Marie-Claude Feore, Laure Fort et Hervé This paru dans L’Actualité Chimique n° 412, novembre 2016, p. 32-35.

Stéphane Besançon, technicien Formation Recherche à l’UFR de chimie analytique/UMR 1145, AgroParisTech.
Marie-Claude Feore, professeure certifiée de sciences physiques et chimiques et co-animatrice des Ateliers Science & Cuisine.
Laure Fort, professeure honoraire de lycée et co-animatrice des Ateliers Science & Cuisine.
Hervé This, professeur associé à AgroParisTech et directeur du Centre international de gastronomie moléculaire AgroParisTech-INRA.

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Etymologie sur le haricot

Rappelons d’abord que le haricot est une plante venue d’Amérique. Elle est arrivée en Europe à la suite des voyages de Christophe Colomb, comme la tomate, le maïs ou la pomme de terre. Une plante connue en Europe depuis l’Antiquité lui ressemble beaucoup, c’est la fève. Cependant, la fève se consomme en grains, alors que le haricot se consomme soit en grains (les blancs, les rouges…), soit en gousses avant maturité, les haricots verts.
Cela étant dit, le mot haricot, attesté sous la forme hericot de mouton dès 1393, donc bien avant l’arrivée de la plante d’outre-Atlantique, désigne aussi une sorte de ragoût caractérisée par le fait que la viande y est coupée en morceaux irréguliers. Ce mot dérive du verbe d’ancien français harigoter, « mettre en lambeaux », lui-même du francique *hariôn, « gâcher ».
Or, le haricot de mouton était le plus souvent accompagné de fèves, que les grains de la plante américaine ont pu remplacer facilement, et souvent avantageusement. On trouve donc d’anciennes expressions comme fève d’aricot (1628) et febve de haricot (1642) qui sont très probablement à l’origine du nom haricot donné finalement à la plante connue sous ce nom aujourd’hui.

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Réadaptation de l’article et compléments pédagogiques

Myriam Dubreuil, professeure de physique chimie au lycée Déodat de Séverac (Toulouse).

Merci aux élèves qui ont réalisé les expériences : Terminale STL-SPCL : Barret Natasha, Lapeyre Clément, Rousset Nathanaël et Bonneau Morgane ; 1ère S-SVT : Dubreuil Nicolas.

Ludovic Tresnard, professeur de chimie en prépa BCPST au lycée Chaptal (Paris).

Pierre Avenas, auteur de la rubrique clin d’œil étymologique de L’Actualité Chimique.

Minh-Thu Dinh-Audouin, journaliste scientifique à L’Actualité Chimique.

Note

[1] Centre International de Gastronomie Moléculaire AgroParisTech-Inra : http://www2.agroparistech.fr/+Centre-international-de,431+.html

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