Aqua fortis des alchimistes, eau forte des graveurs sur cuivre, ces dénominations évoquent un acide fort, mais aussi un oxydant puissant que l'on retrouve avec le nitrate d'ammonium, explosif de funeste de mémoire, mais aussi engrais qui a indirectement contribué à l'explosion démographique du XXe siècle.

L’acide nitrique a été préparé pour la première fois à la fin du VIIIe siècle par l’alchimiste Jabir Ibn Hayyan qui l’obtint en chauffant du salpêtre KNO3 en présence de sulfate de cuivre (cf. Sulfate de cuivre) et d’alun KAl(SO4)2,12 H2O. Au milieu du XVIIe siècle, Johann Rudolf Glauber obtient l’acide nitrique par distillation du salpêtre en présence d’acide sulfurique, procédé utilisé en laboratoire encore de nos jours. Au cours du XVIIIe siècle, Antoine Laurent Lavoisier montre que l’acide nitrique contient à la fois de l’oxygène et de l’azote, la composition précise étant déterminée par la suite par Henry Cavendish. De formule HNO3, il est représenté par deux formes mésomères qui rendent compte des distances N — O

En 1838, Frédéric Kuhlmann découvre qu’il est possible de l’obtenir par oxydation de l’ammoniac en présence de platine. Cependant, l’ammoniac était un précurseur trop coûteux et il a fallu attendre le début du XXe siècle pour que sa production industrielle devienne une réalité (procédé Haber-Bosch, cf. Ammoniac) et s’accompagne du développement du procédé Ostwald de synthèse de l’acide nitrique, réalisé en trois étapes. En premier, l’ammoniac est oxydé en présence d’un catalyseur pour former le monoxyde d’azote (NO) (étape fortement exothermique, cf. Oxydes d’azote)
4 NH3 + 5 O2 ———> 4 NO + 6 H2O

La durée du contact réactifs-catalyseur est très brève : 10-3 s. Le réacteur catalytique contient plus de 50 toiles de platine rhodié de plus de 4 m de diamètre avec un fil d’environ 0,07 mm de diamètre. Les pertes en platine varient entre 25 et 40 mg/t d’acide nitrique pur produit, mais près de 75 % de ce platine peut être récupéré. La durée moyenne de vie du catalyseur varie de 3 à 18 mois. La consommation mondiale annuelle de Pt destiné à la fabrication de l’acide nitrique est estimée à 52 t.
Le monoxyde d’azote est ensuite oxydé par l’oxygène en dioxyde d’azote :
2 NO + O2 ———> 2 NO2
Enfin, le dioxyde d’azote est dissous dans l’eau selon la réaction :
3 NO2 + H2O ———> 2 HNO3 + NO
pour produire l’acide nitrique dilué.

Le monoxyde d’azote produit est recyclé et l’acide nitrique concentré par distillation jusqu’au taux maximum de 68 % (azéotrope acide nitrique-eau). Les concentrations plus élevées sont atteintes par traitement au nitrate de magnésium (Mg(NO3)2). Ce procédé conduit à un rendement global de 96 %.

Les trois quarts de la production d’acide nitrique sont utilisés pour fabriquer des engrais comme le nitrate d’ammonium NH4NO3 qui fera l’objet d’un prochain produit du jour. L’acide nitrique a été l’un des premiers ergols, oxydants de propergols liquides pour moteurs-fusée, associé au RP-1 (cf. Hydrazine), à l’UDMH (diméthylhydrazine asymétrique, H2N-N(CH3)2 et au MMH (monométhylhydrazine, H2N-NHCH3) comme carburants.

C’est aussi un agent de nitration, réaction chimique qui permet d’introduire un ou plusieurs groupements nitro, NO2 dans une molécule. C’est une réaction qui fait partie des plus importantes en chimie industrielle avec la chloration (introduction d’un groupement Cl) et la sulfonation (introduction d’un groupement SO3H). Trois types de nitration peuvent être définis : les nitrations C, O et N en fonction de l’atome sur lequel vient se greffer le groupe nitro. (C)—H + HNO3 ———> (C)—NO2 + H2O
(C)—OH + HNO3 ———> (C)—ONO2 + H2O
(C)-NH + HNO3 ———> (C)—NNO2 + H2O

La nitration ionique est le processus le plus courant, notamment pour la nitration des composés aromatiques. Des mélanges d’acides contenant de l’acide nitrique et un acide fort tel l’acide sulfurique, l’acide fluorhydrique, l’acide perchlorique, le trifluorure de bore ou des résines échangeuses d’ions porteuses de groupes acide sulfoniques sont utilisés comme agents de nitration. Ces acides forts catalysent la formation d’ions nitronium NO2+.

L’acide sulfurique reste l’acide le plus utilisé grâce à son efficacité et à son coût. Dans le cadre de la nitration aromatique, l’ion nitronium se fixe sur le cycle benzénique par un mécanisme de substitution électrophile aromatique.

Enfin, comme il réagit avec la plupart des métaux (sauf l’or, l’iridium et le platine), l’acide nitrique est très utilisé en métallurgie et en microélectronique. Mélangé avec l’acide chlorhydrique, il forme l’eau régale (l’aqua regia des alchimistes), l’un des rares réactifs capables de dissoudre l’or et le platine, d’où la

Pensée du jour :
« L’acide nitrique, une eau un peu forte, mais quel régal ! »

Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_nitrique
http://en.wikipedia.org/wiki/Nitric_acid
http://en.wikipedia.org/wiki/Ostwald_process
www.societechimiquedefrance.fr/extras/Donnees/mine/hno3/cadhno3.htm
www.inrs.fr/htm/acide_nitrique.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Nitration
http://en.wikipedia.org/wiki/Nitration
http://fr.wikipedia.org/wiki/Substitution_Électrophile_aromatique
http://en.wikipedia.org/wiki/Electrophilic_substitution

Pour en savoir plus :
Sulfate de cuivre
Oxydes d’azote
Ammoniac
Hydrazine