De formule Fe(C5H5)2, c'est le prototype des métallocènes, complexes « sandwich » constitués de deux cycles cyclopentadiényle piégeant un ion de métal de transition, point de départ d'un nouveau paradigme de la Chimie. La Chimie organométallique moderne et ses applications, doivent leur essor au début des années 1950 à cette découverte, conjointement à celle des catalyseurs Ziegler-Natta.

Comme pour beaucoup de produits, la première synthèse du ferrocène fut le fruit de la « sérendipité ». En 1951, Paul L. Pauson et Terry J. Kealy tentèrent la réaction du bromure de cyclcopentadiénylmagnésium et du chlorure ferreux dans le but de coupler le diène pour préparer l’alors mythique fulvalène. A la place, ils obtinrent une poudre légèrement orangée, d’une «remarquable stabilité».

2 C5H5MgBr + FeCl2 → Fe(C5H5)2 + MgCl2+ MgBr2

De nombreuses synthèses furent par la suite proposées dont la réaction directe à 350° C entre le fer métallique et le cyclopentadiène :

Fe + 2 C5H6 → Fe(C5H5)2 + H2

Pour la petite histoire, il est intéressant de noter que ce produit fut décrit par Union Carbide comme un composé «{obturant les canalisations (en acier) d{es réacteurs de préparation du cyclopentadiène».

La synthèse la plus usitée emploie la réaction de l’anion cyclopentadiényle engendré par réaction avec une base forte (par exemple la potasse KOH) sur le chlorure ferreux :

FeCl2.4H2O + 2 C5H6 + 2 KOH → Fe(C5H5)2 + 2 KCl + 6 H2O

Cette stabilité était expliquée par le caractère aromatique du cyclopentadiényle, mais la structure proposée par Pauson et Kealy n’expliquait pas les propriétés de cette nouvelle molécule, à commencer par sa très grande stabilité. La proposition de complexe « sandwich » a été publiée en 1953 par Robert B. Woodward et Geoffrey Wilkinson à l’Université Harvard qui proposèrent cet assemblage particulier en se basant sur sa réactivité. Indépendamment, Ernst Otto Fischer à Munich arriva à la même conclusion et commença à synthétiser d’autres métallocènes, comme le nickelocène et le cobaltocène. La structure du ferrocènes fut ensuite confirmée par spectroscopie de RMN et cristallographie aux rayons X.

L’atome de fer dans le ferrocène est à l’état d’oxydation +2. Chaque cycle cyclopentadiényle est donc chargé une fois négativement, amenant le nombre d’électrons π à six sur chaque cycle. Ces douze électrons -six pour chaque cyle- forment des liaisons covalentes avec le métal. Ajoutés aux six électrons de la sous-couche {d du fer, le complexe satisfait à la règle des 18 électrons. Les{ ligands cyclopentadiényle du ferrocène présentent donc un caractère aromatique.

La réactivité chimique du ferrocène sur ces {composantes organiques est celle observée pour les hydrocarbure aromatiques, permettant la synthèse de dérivés substitués, notamment par la réaction de Fridel-Crafts. Le ferrocène réagit également avec le butyllithium pour conduire au 1,1′-dilithioferrocène, symétrique. Toutefois la réaction avec le tertio-butyllithium ne conduit qu’au monolithioferrocène.

Sur son centre métallique, le ferrocène peut être oxydé une fois à faible potentiel, environ 0,5V. L’oxydation du ferrocène donne l’ion stable ferrocénium. A l’échelle préparative, cette oxydation s’effectue par réaction avec le chlorure ferrique, FeCl3, pour donner l’ion [Fe(C5H5)2]+ de couleur bleue. Les sels de ferrocenium sont parfois utilisés comme oxydants, du fait de l’inertie du ferrocène et sa facilité à être séparé de produits ioniques. L’ajout de substituants sur les ligands pentadiényle altère le potentiel redox : les groupements attracteurs d’électrons comme les acides carboxyliques déplacent le potentiel vers les valeurs positives, alors que les groupements donneurs comme le méthyle le rend plus négatif. Ainsi, la décaméthylferrocène est beaucoup plus facile à oxyder que le ferrocène.

La présence de deux cycles offre un grand nombre de possibilités de substitution. La plus commune est naturellement la monosubstitution sur un cycle. Les problèmes d’isomérie sont simplifiés du fait de la libre rotation de ces cycles par rapport à l’ion Fe(II). Les ferrocènes disubstitués en position 1,2, 1,3 sur le même cycle ou 1,1′ sur les deux cycles ne sont pas interconvertibles. Lorsque les ferrocènes sont asymétriquement disubstitués sur le même cycle (par exemple, [CpFe(EtC5H3Me)]) ils présentent une chiralité planaire qui ne requiert pas la présence d’un atome de carbone stéréogénique.

Les applications du ferrocène ne sont pas nombreuses. Son grand mérite est d’avoir été le premier préparé selon des méthodes rationnelles et d’avoir ouvert la voie à la synthèse de nombreux analogues : pratiquement tous les éléments de transition forment des complexes comportant au moins un ligand cyclopentadiényle qui, devant sa notoriété, s’écrit en abrégé C{p, et par là d’avoir été le réel point de départ de la « success story » de la chimie moléculaire des métaux de transition… qui ne se dément toujours pas.

La pensée du jour
«Pléistocène, holocène, anthropocène, ferrocène, métallocène !»

Dédié à la mémoire de Jean Tirouflet (1922-2011)

Sources
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ferrocène
http://en.wikipedia.org/wiki/Ferrocene
www.chm.bris.ac.uk/motm/ferrocene/ferrocene.html

Pour en savoir plus
Fiche Polyéthylène
Fiche Polypropylène