Après son baccalauréat ès-lettres, obtenu en 1835, il entreprend des études de médecine, mais passionné par les cours de Louis-Joseph Thénard et de Jean-Baptiste Dumas (cf. Jean-Baptiste Dumas), il s’intéresse à la chimie. Si bien qu’il monte son propre laboratoire de chimie dans un grenier de la rue de la Harpe et effectue avec ses amis diverses expériences à la grande crainte de son propriétaire. En 1841, il obtient le grade de docteur ès-sciences physiques avec deux thèses sur l’essence de térébenthine et la réfraction optique. La même année, il soutient sa thèse de médecine et obtient la licence de mathématiques.
Marié en 1842, il est remarqué et envoyé par Louis-Joseph Thénard à Besançon pour organiser la jeune Faculté des sciences. Il y est nommé professeur de chimie et doyen en 1845. Il restera à Besançon six ans où il met au point une méthode d’analyse des eaux potables et entre de plain pied en chimie minérale en isolant l’acide nitrique.
En 1851 il revient à Paris comme Maître de conférences à l’École Normale Supérieure (ENS) sur l’emploi libéré par Antoine Balard. Il restera toute sa vie à l’ENS, bien que nommé aussi professeur de chimie à La Sorbonne en 1852 et titularisé sur la chaire en 1867. Le laboratoire de chimie à l’ENS, sous son impulsion, devient le centre d’une chimie minérale expérimentale. Le dimanche après-midi il y reçoit assez souvent ses amis comme Louis Pasteur, Friedrich Wöhler, et même Michael Faraday.
Avec ses élèves Henri Debray et Louis Joseph Troost, il travaille sur les équilibres chimiques, mais ses travaux les plus connus sont relatifs aux métaux et à la chimie métallurgique. Friedrich Wöhler avait réussi à produire quelques paillettes d’aluminium par réduction du chlorure d’aluminium ; Henri Sainte-claire Deville remplace le potassium par le sodium et emploie le chlorure d’aluminium en excès.
Il obtient alors des globules d’aluminium qui ne s’oxyde plus et produit les premiers lingots en 1854 (cf. Aluminium). Il en détermine les propriétés mécaniques et la conductivité électrique, celle-ci en collaboration avec Michael Faraday. La production industrielle, avec l’aide de Henry Debray et Paul Morin démarre à Javel, financée par l’empereur Napoléon III , puis à Glacière, toujours dans Paris puis à Nanterre où en 1859 plus de 500 kg d’aluminium sont produits, destinés surtout à la bijouterie.
L’alumine est extraite de la bauxite par le procédé Deville et il pressent les possibilités de la cryolithe Na3AlF6 comme fondant et dissolvant. L’usine est transférée à Salindres en 1860 sous la direction de Paul Morin et de son adjoint… Alfred (Rangod) Péchiney. La voie électrolytique avait été explorée par Deville, mais il ne disposait pas de puissance électrique suffisante. Ce n’est qu’en 1886, trente ans plus tard, que le procédé d’électrolyse et de réduction de l’alumine dans la cryolithe mis au point par Paul Héroult en France et Charles M. Hall aux États Unis deviendra rentable et supplantera le procédé Deville.
D’autres travaux importants sont ceux sur les métaux de la mine de platine qui occuperont Henri Sainte-Claire Deville jusqu’à sa mort. Dès 1854, avec des pépites de l’Oural et du platine démonétisé et l’aide de Henri Debray il sépare et identifie, outre le platine, le rhodium, le palladium, l’iridium, l’osmium et le ruthénium. En 1860, Henri Sainte-Claire Deville présente à l’Académie des sciences des lingots de platine et de platine iridié fondus dans un four de son laboratoire et coulés dans une lingotière d’acier. À l’exposition universelle de 1867 à Paris, un comité des poids et mesures et des monnaies se constitue et demande l’adoption internationale du système métrique. En 1869, l’Empereur propose la formation d’une commission internationale du système métrique, suivi par 31 nations.
De comité de recherche préparatoire en commission internationale, puis bureau international des poids et mesures, 250 kg d’un alliage de platine à 10 % d’iridium sont coulés au Conservatoire des Arts et Métiers en 1874. Ils contribueront à la fabrication du prototype du mètre étalon et du kilogramme de référence, conservés au Pavillon de Breteuil à Sèvres. Il faut voir qu’après 1870, les progrès en hautes températures furent accomplis grâce aux chalumeaux alimentés au gaz d’éclairage ou hydrogène et en oxygène pur au sein de fours à réverbère en chaux.
Avec l’essor industriel après 1850, le charbon et le pétrole prenaient une importance croissante. A la demande des autorités impériales, Deville se replonge en chimie organique analytique et étudie la composition de plus d’une trentaine échantillons d’origines très différentes et en détermine par calorimétrie le pouvoir calorifique. Il donne quelques règles pour l’emploi industriel des huiles minérales pour le chauffage : en 1871, lors du siège de Paris, 6 000 t d’huiles de goudron provenant de l’usine à gaz de La Villette seront très utiles aux industriels parisiens. De nouvelles chaudières de locomotives sont mises à l’essai par la compagnie des chemins de fer de l’Est dès 1867. Louis J. Troost publiera les résultats de Sainte Claire Deville dans le dictionnaire de chimie pure et appliquée publié par Wurtz en 1873 (cf. Charles-Adolphe Wurtz).
Henri Sainte-Claire Deville a appartenu à la Société Chimique de Paris. Vice-président en 1861 et président en 1863, il fut aussi élu membre de l’Académie des sciences en 1861.
Dans l’utilisation industrielle de l’aluminium, il devina les extraordinaires développements et applications futures d’un métal léger et résistant qui, en 1860 n’était considéré que comme un métal précieux. Ses travaux donnèrent l’idée au romancier Jules Verne d’en faire la matière de l’obus qui devait être tiré « De la Terre à la Lune ».
Expérimentateur imaginatif et de grand talent il rejetait toute hypothèse théorique et se fiait essentiellement à l’expérimentation et à l’affinité et il considérait que la loi d’Avogadro, les atomes et les molécules comme de pures inventions de l’esprit. Il adoptait les mêmes positions que Dumas et Berthelot et s’opposait donc aux atomistes de l’école de Wurtz.
Avec ses travaux sur les métaux de la mine du platine, Sainte Claire Deville subit des expositions répétées aux vapeurs de tétroxyde d’osmium, très toxiques pour les poumons et la vue. A partir de 1875, son état de santé se dégrade et il s’éteint en juillet 1881 à Boulogne sur Seine.
Pensée du jour
« Le nom de Deville n’a dans l’avenir rien à craindre de l’oubli (Henri Debray 1882). »
Sources
– Itinéraires de chimistes, 150 ans de Chimie en France avec les présidents de la SFC, SFC-EDP Sciences, 2007, 475-482.
– L’Actualité Chimique, 1983(4), 22-26.
– http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Sainte-Claire_Deville
– http://herve.delboy.perso.sfr.fr/mineralogistes.html
– www.gloubik.info/sciences/spip.php?article642
– http://en.wikipedia.org/wiki/Henri_Sainte-Claire_Deville
– www.newadvent.org/cathen/13346b.htm
Pour en savoir plus
– Jean-Baptiste Dumas
– Aluminium
– Charles-Adolphe Wurtz