Joseph-Achille Le Bel est né à Pechelbronn (bien avant « Baechel-Brunn ») en janvier 1847 à la toute extrémité nord de l’Alsace près de la frontière allemande. Son père Louis-Frédéric Achille, agronome éclairé, exploite la mine d’asphalte et les terres environnantes, propriété de la famille Le Bel depuis 1768.

Joseph-Achille effectue ses études secondaires au collège d’Haguenau, puis au Lycée Charlemagne à Paris. Diplômé de l’École Polytechnique à 20 ans en 1867, il veut se consacrer à la chimie. Il est d’abord préparateur à l’université de Strasbourg puis à Paris préparateur d’Antoine Balard puis d’Adolphe Wurtz à la faculté de médecine. Après des travaux sur les pétroles du Bas-Rhin publiés en 1872, il s’intéresse à l’alcool amylique et en sépare les chlorures dextrogyres par la différence des vitesses de réaction avec l’acide chlorhydrique (cf. Acide chlorhydrique) et les identifie par la lumière polarisée. Il montre aussi que le pouvoir rotatoire est nul en supprimant l’asymétrie du carbone lorsqu’il est transformé en carbone éthylénique.

C’est en 1874 qu’il publie dans le Bulletin de la Société Chimique l’article « Sur les relations existant entre les formules atomiques des corps organiques et le pouvoir rotatoire de leur dissolutions ». Il ne suit la publication de Jacobus van’t Hoff que de quelques mois, les deux auteurs ayant travaillé indépendamment bien que s’étant déjà rencontrés chez Wurtz.

Joseph-Achille Le Bel fixe cependant mieux les quelques règles pour qu’un composé soit optiquement actif :
– quatre substituants différents d’un carbone dans des plans différents, y ylalalalalal alalala
– ne pas avoir de plan de symétrie.

Dans plusieurs publications exposant les résultats sur le propane-1,2-diol, l’oxyde de propylène, les chlorures d’isobutyle, etc., il utilise les propriétés qu’ont certains organismes, dont les moisissures, de consommer plutôt la molécule dextrogyre que lévogyre pour enrichir les mélanges d’isomères.

Tout en gardant une activité scientifique puisqu’il aura jusqu’en 1891 une place dans les locaux du laboratoire d’Adolphe Wurtz, il consacre aussi une grande partie de sa vie à Pechelbronn.

Son père étant décédé en 1867, il supplée sa mère et ses sœurs et dirige l’entreprise Le Bel de 1874 à 1889, secondé par des techniciens et des ingénieurs qu’il a formés, dont l’ingénieur Fauvel.

C’est avec cet ingénieur qu’il introduit une nouvelle méthode de sondage et de forage par un trépan et de l’eau sous pression qui remonte la roche triturée sous forme de boue à travers les tuyaux de la sonde. Cela permet d’augmenter les profondeurs des puits jusqu’à 150 m, voire 200 m. Lorsque les nappes pétrolifères sont atteintes l’huile remonte par le tube, refoule l’eau et peut jaillir à 15 ou 20 m sous la pression du gaz.

Les huiles stockés puis reprises par des pompes sont ensuite distillées dans des alambics verticaux que Le Bel installe vers 1885 pour obtenir essence, pétrole lampant et graisses à commercialiser. Néanmoins vers 1889, voulant continuer ses travaux scientifiques et percevant que la concurrence des pétroles de Russie et d’Amérique entrainerait une baisse des cours et une course à la prospection, il transforme l’exploitation en une société la « Pechelbronn Oelbergwerke AG » dont les actions sont détenues par des industriels alsaciens dont Richard Herrenschmidt, époux de sa sœur Adèle. Ce sera la première société pétrolière allemande et la doyenne mondiale.

Joseph-Achille Le Bel, resté célibataire, s’installe cependant en région parisienne avec une partie de sa famille. Après avoir eu plusieurs logements dans Paris, il s’installe en 1904 au 250 rue Saint Jacques dans une maison qu’il a fait construire avec un appartement personnel et des laboratoires où il peut poursuivre ses recherches personnelles. Avec Henninger il travaille sur la synthèse du propène et développe une œuvre de Génie Chimique en proposant un appareil de distillation fractionnée à 12 puis 20 plateaux. Il a aussi publié sur les formes cristallines des chloroamminesplatine, le bromoéthane et sur le dimorphisme du chromate de rubidium.

Esprit curieux il s’intéresse aussi beaucoup à la cosmologie et à la géologie. Passionné de préhistoire il devient, après 1911, membre de la Société Préhistorique Française (SPF), où il publie une dizaine de travaux dans le Bulletin de la SPF et, surtout, fait l’acquisition de la grotte des Eyzies en Dordogne. Membre actif de la SPF, il en fut président d’honneur en 1923. Avec Maury, chargé de l’exploitation touristique et de la conservation du site, il découvrit la grotte du Grand Roc et ses magnifiques stalactites. Il meurt le 6 août 1930 et il est enterré au cimetière de Bagneux.

La gloire et la célébrité de Le Bel sont associées à sa théorie du carbone asymétrique. Prix Jecker de l’Académie des sciences en 1881, grande médaille Humphrey Davy de la Royal Society de Londres en 1893, conjointement avec van’t Hoff, il reçoit la grande médaille d’or de l’Académie des sciences en 1924 et il n’entre dans cette prestigieuse institution qu’en 1929, un an avant sa mort. Sans doute, son activité industrielle le desservit dans un milieu très académique.

Membre assidu de la Société Chimique de Paris dès 1869, président à plusieurs reprises en 1892, 1899 et 1907, il offrit à la Société plusieurs prix, dont 50 000 F en 1930, et finalement lui légua toute sa fortune comprenant notamment l’immeuble du 250 rue Saint Jacques, siège de la SCF, et la grotte des Eyzies vendue en 1991 au département de la Dordogne. Chaque année, le grand prix Le Bel de la SCF couronne un grand chimiste Français.

A Pechelbronn, le château Le Bel, construit en1805 à coté de la ferme, berceau de trois générations, qui fut le siège de la SAEM (Société anonyme d’Exploitation Minière) et abrita de plus les recherches de J.- B. Boussingault sur la chimie agricole et promoteur à Merckwiller en 1836 de la première ferme expérimentale en France, est en un triste état.

Les amis du Musée du pétrole cherchent à rénover ce lieu chargé d’histoire. Sur le campus de l’esplanade de l’université de Strasbourg, l’Institut Le Bel et ses laboratoires fait vivre le souvenir de ce chimiste et entrepreneur alsacien.

Pensée du jour
« De la stéréochimie à la pétrochimie il n’y a qu’un pas, Le Bel l’a franchi. »

Sources
– Itinéraires de chimistes 1857-2007, 150 ans de chimie en France avec les présidents de la SCF, EDP Sciences et SCF, 2008, p. 321-326
http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Achille_Le_Bel
/www.chemistryexplained.com/Kr-Ma/Le-Bel-Joseph-Achille
www.answers.com/topic/le-bel-joseph-achille
www.musee-du-petrole.com/index2.htm

Pour en savoir plus
Acide chlorhydrique