Né le 23 décembre 1829 à Strasbourg, Paul Schützenberger fait partie d’une vieille famille de notables de cette ville, ayant pour activité principale l’industrie de la bière, et distinguée dans la vie publique, scientifique et artistique par plusieurs de ses membres.
Après des études secondaires au lycée de Strasbourg, il obtient le baccalauréat ès lettres (1847) et le baccalauréat ès sciences (1849). Il fait ensuite ses études de médecine à Strasbourg, où il soutient sa thèse de médecine en 1855. Puis il passe une licence ès sciences physiques en 1859 et l’agrégation en chimie médicale à la Faculté de médecine en 1860. Il poursuit parallèlement à Paris la préparation d’une thèse en chimie qu’il soutient à la Faculté des sciences de Paris le 20 mai 1863.
Cet alsacien, doublement diplômé en médecine et en chimie, suit les traces des grands scientifiques de son époque : d’abord aide-préparateur en chimie médicinale chez le professeur Cailiot en 1850, il vient à Paris durant une année (1852-1853) travailler dans le laboratoire de J.-F. Persoz, professeur au Conservatoire des Arts et Métiers. Puis il retourne en Alsace où il est nommé en 1854 à Mulhouse, en 1854, professeur de chimie à l’École professionnelle, puis à l’École supérieure des sciences de cette ville, poste qu’il occupera jusqu’en 1865.
Titulaire de son doctorat ès sciences, il revient alors à Paris pour travailler au Collège de France comme préparateur d’Antoine-Jérôme Balard, professeur de chimie minérale. En 1868, Henri Sainte-Claire Deville le prend comme directeur-adjoint du Laboratoire des Hautes Études à la Sorbonne qui venait d’être créé. En 1876, Schützenberger succède à Balard comme professeur de chimie minérale au Collège de France. En 1882, il devient le premier directeur de l’École de Physique et Chimie industrielle (future ESPCI Paris Tech)
Cette très rapide évocation fait ressortir le parcours original de ce chimiste, qui est parti de la chimie médicinale et de la chimie organique, pour se tourner vers la chimie minérale et la chimie physique, dont il fut l’un des fondateurs en France.
Le domaine pour lequel il est le plus connu est celui des colorants qu’il aborde dès sa nomination à l’École de chimie de Mulhouse et pour lequel il proposa des innovations technologiques. En 1869, réussit à mettre au point un extrait purifié de garance d’excellente qualité permettant l’impression sur les tissus. Il étudie toute une série de colorants naturels d’intérêt industriel. Il s’intéresse aussi aux nouvelles molécules colorantes synthétiques, et entreprend des recherches en leur direction. Ces activités sont à l’origine de la publication de l’ouvrage qui l’a rendu célèbre dans l’histoire de la chimie tinctoriale, {le Traité des matières colorantes, publié en 1867 sous les auspices de la Société industrielle de Mulhouse avec le concours de son Comité de chimie.
Domaine d’intérêt direct pour le domaine des colorants, la découverte en 1869 par Schützenberger de l’acide dithioneux et des dithionites avait à l’origine un but purement scientifique. Il s’agissait d’étudier le renforcement des propriétés réductrices de l’acide hydrosulfureux (dithioneux) en présence de zinc, phénomène déjà bien connu des teinturiers. Pour la teinture, il met en évidence la facilité avec laquelle les dithionites réduisent l’indigo, procédé qu’il publie en 1873, sans prendre de brevet d’invention. La nouvelle méthode, développée avec la contribution de Lalande, a été employée industriellement avec grand succès. On lui doit aussi la préparation de l’acétate de cellulose qui eut au tournant du XXe siècle de nombreuses applications, dont la pellicule employée par les Frères Lumières.
Autour de lui s’organise tout un réseau scientifique. Ayant formé des élèves et associé des collègues à ses recherches, développant ainsi le travail en équipe, il a contribué à organiser la recherche de manière dynamique. Certains de ses anciens élèves de l’EPCI sont devenus de grands chimistes, tels Georges Urbain, Octave Boudouard, Paul Langevin, Émile Fleurent, ou encore Georges Claude, industriel, fondateur de la société L’Air liquide.
Dans son discours de 1929, Paul Langevin a insisté sur les préoccupations essentielles de son maître, en indiquant successivement : « la fécondation réciproque de la science et de l’industrie », « la nécessité d’unir l’enseignement de la physique à celui de la chimie » et « l’union nécessaire pour l’enseignement des sciences expérimentales des leçons orales et du laboratoire ».
L’EPCI, cette école d’enseignement supérieur de création totalement nouvelle en France en matière de formation des ingénieurs, entièrement due au réseau des chimistes alsaciens qui avaient trouvé en 1870 auprès de la Ville de Paris un soutien complet, répondait à ces préoccupations. L’institution associait en effet étroitement l’enseignement à la recherche.
Il en fut nommé le premier directeur en 1882. Le surnom affectueux de « Père Schütz » donné par ses élèves de l’EPCI est un des témoignages de reconnaissance à son égard.
Ce surnom est passé à la postérité grâce à la pièce de théâtre {Les Palmes de monsieur Schutz de Jean-Noël Fenwick créée le 19 septembre 1989 au théâtre des Mathurins, pièce inspirée de la vie de Pierre et Marie Curie et de leurs travaux de recherche à l’EPCI…
Paul Schützenberger adhère à la Société Chimique de Paris (qui deviendra la SCF) en 1860, au moment où il prépare sa thèse de doctorat, alors qu’il est professeur à Mulhouse. Il y fait connaître ses travaux, y donne des conférences et est élu président de la Société à trois reprises (1871, 1872 1885), ce qui mérite d’être souligné.
Extrait de
Itinéraires de chimistes 1857-1997, 150 ans de chimie en France avec les présidents de la SFC, EDP Sciences (2007), 588 pages, ISBN : 978-2-86883-915-2
Sources
– http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Schützenberger
– http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Palmes_de_monsieur_Schutz