D’abord utilisé pour l’ornementation, puis comme monnaie d’échange avant de devenir un étalon monétaire, l’or est un mythe au-delà du symbole. Aujourd’hui, sa principale application est la métallurgie avec la bijouterie (80 %), puis l’électronique (contacts et connecteurs), puis la dentisterie. Mais demain ?

Par sa couleur, son aspect brillant, son caractère inaltérable et inoxydable, (d’où le qualificatif de métal noble) et par sa rareté, l’or est objet de fascination et de convoitise depuis des millénaires. Il a toujours alimenté l’imaginaire, car signe de pureté et objet de recherche chez les alchimistes, de puissance et de richesse dans la mythologie, de pouvoir dans la Chine ancienne, et d’espoir chez les conquistadors espagnols et les orpailleurs de tous les siècles et tous les pays. L’or se retrouve dans un nombre considérable de locutions : franc comme l’or, le silence est d’or, médaille comme livre d’or… sans oublier le nombre d’or !

L’Homme utilise l’or depuis le Chalcolithique (fin de la préhistoire), le plus vieil objet découvert (à Varna, Bulgarie) datant du Ve millénaire avant J.-C. Les premières monnaies de l’histoire attribuées aux rois lydiens (VIIe siècle av. J.-C.) étaient en électrum, alliage naturel d’or et d’argent. Grecs et Germains enterraient leurs chefs avec une pièce d’or dans la bouche, et l’auréole des saints vient du latin aureola, or. Les monnaies d’or ont eu cours jusqu’en 1973, et c’est en or que tributs, compensations, et autres rançons ont été généralement payées : 180 tonnes exigées des Daces par Trajan au IIème siècle ; 967 tonnes payées par la France en 1871…

La quantité d’or extraite par l’humanité depuis les origines est estimée, à 163 kt, ce qui ne représente qu’un volume occupant un cube d’environ 20 m3. Les réserves minières estimées en 2010 s’établissaient à 51 kt, l’Australie et l’Afrique du Sud s’en partageant 26 %.

Longtemps premier producteur mondial d’or, l’Afrique du Sud a été détrônée en 2007 par la Chine, qui conforte depuis lors sa première place par la découverte de filons importants, assurant 13,8 % de la production mondiale en 2010, devant l’Australie (10,2 %), les États-Unis (9,2 %), la Russie (7,6 %), l’Afrique du Sud (7,6 %) et le Pérou (6,8 %).

L’élément Au, de numéro atomique 79, fait partie du groupe 11 de la classification périodique, où il se trouve juste en dessous de l’argent, Ag. En raison de son caractère électronégatif (il est plus électronégatif que l’oxygène), l’or résiste à l’oxydation et l’oxyde Au2O3, seul oxyde à présenter une enthalpie de formation positive, est donc instable. Très inerte chimiquement, il ne se corrode que dans l’eau régale (cf. Acide chlorhydrique et Acide nitrique), où les ions nitrates sont fortement oxydants, pour former de l’acide chloroaurique, HAuCl4, et il se dissout dans les cyanures (étape clé de la métallurgie de l’or).

Les atomes d’or s’empilent selon une structure cristalline cubique à faces centrées, comme le plomb et l’aluminium, responsable de sa ductilité et de sa malléabilité : il est possible de déformer l’or par simple martelage ou par étirement, ce qui a permis aux orfèvres des temps anciens de fabriquer des bijoux très raffinés sans traitements thermiques.

La couleur de l’or, jaune métallique à reflets complexes, est due à la densité d’électrons de valence faiblement liés qui forment un plasma dans le métal, dont les fluctuations sont modélisées par des quasi-particules, les plasmons, qui font l’objet d’intenses recherches en physique, particulièrement pour les nanoparticules d’or.

Les alliages d’or sont nombreux, avec le cuivre, l’argent, et parfois le nickel et le palladium, et à l’origine des diverses « couleurs » de l’or d’orfèvrerie : jaune, blanc, rose, rouge et même bleu avec des oxydes de fer. L’or rodhié est gris.

L’or, bien que généralement inerte, interagit facilement avec les groupements thiols et amines, fonctions essentielles en biologie, et qui sont à l’origine de médicaments à base d’or : aurothiomalate, aurothiosulfate, aurothioglucose… L’usage de l’or dans un but thérapeutique, appelé chrysothérapie, débute dans le livre de l’Exode (32 :19) lorsque Moïse fit boire le veau d’or brûlé et réduit en poudre aux enfants d’Israël et se poursuit jusqu’à présent. On trouve actuellement de nombreuses spécialités homéopathiques à base d’oligoélément Or ({aurum arsenicum, aurum bromatum, aurum thiosulfuricum natronatum, etc.) recommandées comme anti-infectieux, anti-rhumatismaux, anti-hypertension, anti-variqueux… L’isomère radioactif 198Au est utilisé comme marqueur pour les scintigraphies hépatiques.

L’avenir scientifique de l’or réside probablement dans les étonnantes propriétés qui ont été récemment découvertes aux particules d’or de taille nanométrique. Les nanoparticules doivent la plupart de leurs propriétés aux atomes présents à leur surface : plus nombreux en proportion et moins liés aux autres que dans un objet de taille supérieure, ces atomes confèrent aux nanoparticules une grande réactivité chimique. C’est le cas pour l’or qui, sous cette forme, devient extrêmement réactif. Les applications attendues, et quelques-unes réalisées, sont très nombreuses : matériaux, microélectronique et technologies de l’information, biocapteurs, thérapie, diagnostic et pharmacologie.

Elles apportent, en chimie, de nouvelles solutions avec la catalyse et ses applications en environnement. Contrairement aux autres métaux, l’or a longtemps été considéré comme inactif malgré un certain nombre de travaux publiés dans les années 70, mais qui ne révélaient qu’une modeste activité pour des réactions d’hydrogénation.

C’est en 1987 que le groupe de Masatake Haruta au Japon découvrit les propriétés catalytiques remarquables de l’or dans la réaction d’oxydation du monoxyde de carbone en dioxyde de carbone, qui plus est, à basse température (-70 à 25 °C). La clé de cette découverte fut la préparation de nanoparticules d’or de taille inférieure à 5nm et supportées sur des oxydes réductibles (TiO2, Fe2O3), par co-précipitation et dépôt-précipitation, et non par les méthodes classiques d’imprégnation.

Parmi les applications envisageables, on peut noter : l’élimination du monoxyde de carbone résiduel présent dans le dihydrogène produit par reformage catalytique d’hydrocarbures, et destiné à alimenter les piles à combustible, la dépollution automobile (cf. Platine, Rhodium) pour accroitre l’efficacité lors du démarrage à froid des moteurs, responsables de 80% de la pollution automobile.

La réduction des oxydes d’azote (NOx) est également un enjeu important, à la fois pour les moteurs diesel (sources mobiles) et pour les sources fixes (centrales thermiques, unités de production d’acide nitrique) : la difficulté vient de ce que le catalyseur doit pouvoir réduire les NOx en milieu oxydant. Un catalyseur multi-composants [Au/CoOx + ZrO2-CeO2, ZrO2, TiO2 + promoteurs Rh, ZnO et BaO] évalué dans des conditions simulées de moteur diesel avec 7,5 % de dioxygène, présente une activité significative pour la réduction des NOx. La décomposition de l’ozone de la basse atmosphère, comme celle des composés organiques volatils (COV) présents en milieu très dilué dans l’air (< 1 %), sont des cibles importantes pour cette nouvelle catalyse. Enfin, les dioxines, famille de polluants organiques issus de la combustion des déchets ménagers (c’est aussi le « fameux » agent orange utilisé comme défoliant pendant la guerre du Vietnam, et à l’origine de la catastrophe de Seveso de 1976), peuvent être décomposés presque totalement (98 %) par un catalyseur multi-composants [Ir/La2O3, Pt/SnO2 et Au/Fe2O3] et ceci dès 150 °C.

L’utilisation de nanoparticules d’or n’est cependant pas une nouveauté, anciennement connues sous le nom d’or colloïdal : la coupe de Lycurgue, au IVe siècle, en est une illustration fameuse, de même que les verres « ruby » dont la fabrication est décrite par Antonio Neri dans son Arte Vetraria en 1612.

Les céramiques lustrées de la Renaissance et de l’art islamique, quoique dorées et présentant des propriétés à la lumière analogues, semblent plutôt résulter de nanoparticules de cuivre et d’argent… tout ce qui brille n’est pas or !

Pensée du jour
« Ni Helvetius avec son or potable, ni Angelo Sala avec son bezoarlicum auratum (contenant pourtant extrait de vipère et larmes de cerf) n’ont eu d’effet sur la fièvre de l’or… »

Sources
http://fr.wikipedia.org/wiki/Or
http://en.wikipedia.org/wiki/Gold
http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_chrysothérapie
www.cnrs.fr/fr/recherche/prix/medaillesor.htm
http://fr.ekopedia.org/Nombre_d’or
http://therese.eveilleau.pagesperso-orange.fr/pages/truc_mat/textes/rectangle_dor.htm
www.informationhospitaliere.com/actualite-3700-medicaments-base.html
www.insp.jussieu.fr/webornano/
– M. Haruta, Catalysis: Gold rush, {Nature 2005, 437, 1098-1099
www.or-nano.org
http://en.wikipedia.org/wiki/Colloidal_gold
http://fr.wikipedia.org/wiki/Or_colloïdal
www.goldbulletin.org/
hwww.histoire-or.com
http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/ed081p544A
– La chimie et l’art, EDP Sciences et {L’Actualité Chimique Livres, 2010

Pour en savoir plus
Acide chlorhydrique
Platine
Rhodium