Charles-Adolphe Wurtz a marqué la seconde partie du XIXe siècle à la fois comme chimiste, mais aussi comme réformateur des études supérieures de médecine et propagandiste de l’école atomiste dans une époque politiquement troublée et de grande évolution scientifique.

Charles-Adolphe Wurtz est né le 26 novembre 1817 à Strasbourg et non à Wolfisheim, village de sa banlieue ouest (comme parfois dit dans ses bibliographies), mais qui a été habité un certain temps par la famille Wurtz. Son père, Jean-Jacques Wurtz, pasteur luthérien à l’église Saint-Pierre-le-Jeune aura avec son épouse Sophie Kreiss, trois enfants dont Charles-Adolphe. Après des études secondaires au Gymnase protestant de Strasbourg, il est bachelier ès-lettres en 1834. Il hésite alors entre la théologie et la médecine qu’il aborde par la chimie, en étant d’abord aide-préparateur en 1835, puis préparateur au laboratoire de chimie d’Amédée Caillot en 1837. Il soutient un premier mémoire en médecine en 1839, date à laquelle il est nommé chef de travaux de chimie à la faculté de médecine de Strasbourg. Il passe ensuite une partie de l’année 1842 à Giessen au laboratoire de chimie expérimentale de Justus von Liebig. A son retour, il soutient une thèse de chimie sur l’albumine et la fibrine.

Il quitte l’Alsace à 27 ans en 1844 et entre comme préparateur au laboratoire d’Antoine Balard puis rapidement à celui de Jean-Baptiste Dumas à la faculté de médecine de Paris. Sous son patronage, il devient chef de travaux de chimie à l’Ecole Centrale en 1846. Il est ensuite nommé professeur à l’éphémère Institut Agronomique de Versailles de 1850 à 1852. C’est la même année qu’il se marie avec Constance Oppermann : le couple aura quatre enfants. A partir de 1849, il remplace souvent Dumas pour les cours de chimie organique et il devient titulaire de la chaire en 1853. En 1866, à la suite de manifestations provoquées par les étudiants hostiles à l’Empire, ses collègues lui demandent de prendre la charge de doyen de la faculté, poste qu’il gardera jusqu’en 1875, dans une période troublée où son jugement sûr et ses convictions de républicain modéré seront très utiles.

Charles-Adolphe Wurtz, très ami avec Charles Gerhardt et Auguste Scheurer-Kestner, gardera toujours une place dans son laboratoire pour Joseph-Achille Le Bel (cf. Joseph-Achille Le Bel) et s’affirmera toujours solidaire des chimistes alsaciens et en général de ses compatriotes douloureusement frappés par l’annexion par l’Allemagne de l’Alsace en 1871. En 1872, il fait partie des fondateurs de l’Ecole Alsacienne de Paris qui ouvre ses portes en 1873.

Partisan et ardent défenseur de la théorie atomique, il s’opposera courageusement de nombreuses années à Marcellin Berthelot (cf. Marcellin Berthelot) et Henri Sainte-Claire Deville, partisans des équivalents. L’Académie des Sciences gardera les traces d’un affrontement entre atomistes et équivalentistes en 1877. Il se servira des Annales de Chimie et Physique et du Bulletin de la Société Chimique pour propager avec ses élèves les idées modernes qui essayaient de placer la chimie française au niveau international. Ses travaux sur les amines, la synthèse des hydrocarbures par « la réaction de Wurtz », la découverte des glycols (cf. Éthylène glycol), la structure de la glycérine (cf. Glycérol), la structure de nombreuses molécules comme H2O (cf. Eau) à la lumière de la théorie atomique et de l’électrovalence, sont les éléments les plus marquants de son œuvre scientifique.

2 RX + 2 Na ———> R—R + 2 NaX

Il est admis à l’Académie des Sciences en 1867 (une année après sa nomination à la Royal Society de Londres…) et il en sera le président en 1881. Il est maire du 7ème arrondissement de Paris de 1875 à 1881, date à laquelle il est nommé sénateur inamovible. Il décède en mai 1884 et plus de 2 000 personnes lui rendent hommage en accompagnant son cortège mortuaire jusqu’au cimetière du Père Lachaise. Charles- Adolphe Wurtz a sa statue en bronze par les sculpteurs Debois et Schmidt devant l’église Saint Pierre Le Jeune à Strasbourg.
Il a aussi donné son nom à une rue à Paris dans le 7e arrondissement et à Wolfisheim.

Charles-Adolphe Wurtz a marqué l’histoire de la faculté de médecine de Paris. Comme doyen, durant presque 10 ans, de 1866 à 1875, il a traversé une période particulièrement agitée, par les frondes des étudiants opposés à un Second Empire finissant, par la défaite contre la Prusse en 1870 et le siège de Paris, par la Commune marquée par des massacres et un régime instable qui ne trouvera un équilibre politique qu’avec la naissance de la IIIe République et qu’après 1875.
|Il eut aussi à lutter contre un clergé dénonçant un enseignement considéré comme trop matérialiste et une communauté scientifique conservatrice récusant les théories et avancées modernes.

En 1867, il défend, contre l’avis des professeurs de faculté, l’accès des femmes à l’enseignement supérieur et à la profession de médecin.

Membre de la Société chimique dès 1858, il encouragera tous ses élèves à être membre de la Société. Il en a été le président à trois reprises, en 1864, 1874, 1878 et il a participé activement aux comités éditoriaux du Bulletin de la Société Chimique.

Pensée du jour
Il est important que de bons scientifiques prennent des responsabilités, l’avenir de l’Université est trop important pour le laisser aux seconds couteaux.

Sources
– Charles Friedel, {Notice sur la vie et l’œuvre de C. A. Wurtz, Bull. Soc. Chim. Fr. 1885, 43, I-LXXX
– {Itinéraires de chimistes, 150 ans de Chimie en France avec les présidents de la SFC, SFC-EDP Sciences, 2007, 545-550
– Natalie Pigeard-Micaut, {Charles-Adolphe Wurtz, un savant dans la tourmente, Hermann, 2011
http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Adolphe_Wurtz
http://en.wikipedia.org/wiki/Charles-Adolphe_Wurtz
www.ecole-alsacienne.org/spip/L-Ecole-Alsacienne.html

Pour en savoir plus
Joseph-Achille Le Bel
Marcellin Berthelot
Éthylène glycol
Glycérol